Notre Président d’honneur, le climatologue Jean Jouzel répondait ce samedi à un entretien du journaliste Yann-Armel Huet du journal Ouest-France. Le quotidien régional nous autorise à reproduire cet article, nous l’en remercions.

L’épidémie fait baisser les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Vont-elles repartir en flèche dès la crise passée ?
Lors de la crise économique de 2008, les émissions ont baissé… puis sont reparties rapidement en 2010. Je ne suis pas très confiant. Après, Emmanuel Macron a laissé entendre qu’on ne repartirait pas sur le même modèle. On peut espérer qu’il y ait un enseignement tiré de cette crise.

Quel enseignement ?
Il faudra relocaliser les activités. En France, une personne produit 6 à 7 tonnes par an de gaz à effet de serre. Mais si l’on prend l’empreinte carbone – le bilan des importations et des exportations – on arrive à 11 tonnes par personne par an. On voit bien que la mondialisation est très négative en matière de lutte contre le réchauffement.

Est-ce le début de la fin d’un consumérisme destructeur pour la planète ?
Cet espoir risque d’être déçu. On doit se poser des questions sur tous ces traités de libre-échange. Il ne s’agit pas de refermer les frontières. Mais si l’on repartait avec un modèle économique nous permettant de respecter les objectifs de la neutralité carbone à l’horizon 2050, ce serait déjà aller dans le bon sens.

On parle de sommes astronomiques pour une future relance économique…
On parle de 45 milliards en urgence, de 300 milliards à moyen terme… Ce ne sont pas des montagnes d’argent qu’il faut mettre pour le climat. L’économiste Thomas Piketty dit que si l’on ne résout pas le problème social, on ne résoudra pas le problème climatique. Il a raison. Tous ces problèmes sont liés. Sans compter que la lutte contre le réchauffement climatique, ce sont des créations d’emploi à la clef et une meilleure qualité de vie.

Cela ne vous désespère pas qu’on attende toujours d’être au pied du mur pour agir ?
Si, bien sûr ! Les politiques font des textes parfaits, la loi sur la transition écologique pour laquelle a beaucoup œuvré Nicolas Hulot est ambitieuse… Mais la réalité, c’est que les objectifs affichés ne sont pas respectés. On n’arrête pas de prendre du retard.