Jean-Michel Vincent fondateur de notre comité local du 95 est ingénieur-urbaniste de formation. Une vie professionnelle riche et variée l’a notamment amené à être le directeur de la stratégie et du développement durable à la Direction régionale de l’équipement Île-de-France (DREIF). Toute cette expérience accumulée, il l’utilise astucieusement pour favoriser une transition locale efficiente et rapide à travers son organisation Agir local avec laquelle il multiplie les projets sur Cergy-Pontoise et alentours. Il revient pour APLC sur ces différentes actions.

Jean-Michel, Agir pour le climat travaille une vision globale du financement de la transition énergétique, pourquoi s’intéresser à la vision locale ?

Le moins que l’on puisse dire est que la création monétaire n’est pas une notion que l’on utilise tous les jours. Affirmer que la création monétaire a financé à 89 % la spéculation financière et donc que seuls 11 % ont servi l’économie réelle, sont deux faits assez hermétiques. Même si on comprend bien que l’argent de la spéculation est stérile, ne sert qu’une toute petite minorité.


La création monétaire est pourtant vitale pour notre vie quotidienne, nos emplois, notre prospérité, notre bien-être. Quand on le comprend, la décision qui pourrait changer les choses paraît bien loin, dans la main de quelques-uns.


Ce n’est pas le cas ; notre association (Agir pour le climat) a porté deux idées : la banque pour le climat et un budget européen pour le climat. Ce sont deux décisions prises aujourd’hui sous la présidence d’Ursula van der Leyen. La mise en musique n’est pas faite mais le progrès est indéniable. Il reste lointain.

Le deuxième volet du pacte finance-climat, chacun peut le comprendre facilement prêter à taux zéro pour financer les projets de transition ; surtout quand le citoyen, l’entrepreneur, l’élu local, ont tenté de monter des projets efficaces mais rentables à 15, 20 ans. Ce qui est le cas par exemple pour l’isolation des bâtiments. Là il suffit d’avoir essayé de sortir du labyrinthe des subventions et des prêts pour saisir l’intérêt d’une telle décision : prêter à taux zéro pour faire sauter l’obstacle du financement de projets à impact carbone démontré.


Et voilà pourquoi s’intéresser à la vision locale : financer, quoi ? Les émissions de gaz à effet de serre sont à l’évidence indifférentes à la spéculation, pas aux projets locaux efficaces. La vision locale et l’action de 30 millions de familles, dont 5 millions d’entrepreneurs et 500 000 élus locaux, peuvent tout changer, dans le temps qui reste, massivement.

Quels sont les leviers pour être efficace ?

Pour dire les choses crûment, nous avons l’intelligence collective d’un bouchot de moules échoué à marée basse. Ce n’est pas faute d’être intelligents individuellement. Permettez une analogie : Pasteur ne s’est-il intéressé qu’à la fièvre ? Comment aurait-il pu inventer la vaccination s’il n’avait pas identifié les microbes ?

En matière de changement climatique, combien de décideurs, combien de Français savent compter carbone aussi facilement que l’on compte en euros ? L’empreinte carbone à la commune devrait être affichée gratuitement sur le site de l’Insee. Tel n’est pas le cas. C’est le microbe. D’où ce tableur qui en donne un montant approché de la commune à la région.

Deuxième levier : l’action locale en mode projet efficace, méthodique, outillée, massive. On peut organiser et réorganiser à perte de vue le pays mais les projets locaux efficaces ont chacun leur périmètre territorial et par conséquent leurs équipes projet et leurs financements. Nous avons besoin de construire collectivement, localement, des communautés de projet, pragmatiques, avec celles et ceux qui le veulent. C’est le vaccin et à vrai dire aussi l’antibiotique. Pasteur, c’est nous. D’où ce kit transition.

Troisième levier, vous avez remarqué qu’il existe un institut Pasteur. Effectivement, à l’expérience, pour être efficace, l’action locale demande une ingénierie publique tiers de confiance pour franchir les falaises techniques, institutionnelles, financières qui se dressent devant les acteurs des projets locaux. Et une vitrine à projets tenus par cette ingénierie pour ne pas réinventer l’eau sucrée aux quatre coins des territoires.

Peux-tu nous donner quelques exemples de réussite locale ?

Pour faire court, la permaculture, les cantines à approvisionnement local, le chanvre, le vélo, les tiers lieux, la rénovation thermique des bâtiments, les réseaux de chauffage urbain aux énergies renouvelables et de récupération, le photovoltaïque, entre autres, ont fait l’objet de projets locaux réussis. En voici une esquisse de liste, incomplète mais documentée.

Et c’est un quatrième levier : la coopération, de porteurs de projet à porteurs de projet. C’est l’objet d’un appel national à identification d’une cinquantaine de projets locaux efficaces, à impact carbone démontré. Nous allons tenter de lancer cet appel avant noël. Et construire nous-même l’ingénierie publique tiers de confiance et la vitrine à projets. Le père noël, c’est bien mais chacun sait que les cadeaux ne tombent pas du ciel.

Qui résisterait à la mise en mouvement de 30 millions d’acteurs locaux ?