La réponse est simple : tous ceux qui ont lu les six rapports du GIEC ou, au moins, leur résumé pour décideurs, publiés depuis 1990. Il faut croire que, depuis cette date, les différents Présidents de la République, les premier.e.s ministres, les membres des différents gouvernements ainsi que l’immense majorité des parlementaires n’ont pas eu de temps à consacrer à des lectures aussi futiles. La canicule de 2003, 15 000 morts prématurées, n’a même pas servi d’avertissement. Tout au plus, la plupart des maisons de retraite ont aujourd’hui au moins une pièce fraîche pour accueillir nos aînés. Nous avons vu que les écoliers, par contre, n’étaient pas protégés. Comment étudier dans des bâtiments où la température est à 40 °C ? Combien d’établissements scolaires ont dû fermer en cette fin juin ? Mais surtout, comment expliquer l’inertie des pouvoirs publics qui sont prévenus depuis 45 ans ? Le climato-scepticisme et le court termisme ont aveuglé la plupart de nos dirigeants. Face à la dérive climatique, il y a deux types de réactions à avoir : les actions visant à réduire les émissions de GES, et les mesures d’adaptation à un changement de toute façon inéluctable. Il n’y a pas à choisir entre les deux mais à les mener de concert. Chaque dixième de degré en moins rendra l’adaptation moins difficile. J’ai déjà eu l’occasion de blâmer la faible action de notre gouvernement sur le sujet de l’atténuation, et le récent vaudeville concernant la loi de programmation de la politique énergétique, dite PPL Grémillet, ne fait que renforcer les critiques que j’ai pu émettre. Je continue à demander à notre classe politique nationale de revenir à la raison et de définir et appliquer une vraie stratégie bas-carbone.
Face à cette canicule, imprévue bien que très prévisible, le climato-sceptique Rassemblement National nous dit “yaka climatiser massivement”. Gageons que cette proposition improvisée ne reviendra pas dans l’actualité si nous ne connaissons pas de nouvelles canicules ces prochaines semaines. Mais regardons de plus près cette suggestion. Est-elle réaliste ? Il est temps de lever les tabous sur la climatisation. Peut-on encore être pour ou contre la climatisation ?
Le taux de logements équipés en climatisation est de l’ordre de 25 % en France contre trois fois plus en Espagne ou en Italie. Il est donc inéluctable que ce taux augmente rapidement en France. C’est probablement déjà un phénomène en cours. Lors des derniers jours de juin 2025, la consommation d’électricité, selon RTE, était supérieure de 15 % à la consommation à la même époque l’année précédente. Il faut donc abandonner les tabous à propos de la climatisation. Elle se développera inéluctablement, mais il faut veiller à ce qu’elle se développe rationnellement. Rappelons d’abord quelques éléments de base : la climatisation traditionnelle par compresseur appelle de la consommation d’électricité mais sans augmenter les émissions de GES en France où l’électricité est largement décarbonnée à condition que l’électricité française reste décarbonnée ce qui est le cas en période estivale où l’électricité photovoltaïque est surabondante. Deuxième point d’analyse : la climatisation peut générer des îlots de chaleur dans les zones de grande densité de bâtiments et augmenter encore les besoins de climatisation. De là découlent quelques grandes recommandations :
- Privilégier toutes les approches qui réduisent les besoins de climatisation : protections solaires, toitures de couleurs claires, végétalisation urbaine (approche qui a fait ses preuves), réseaux de froid en zones urbaines denses, priorisation de la climatisation en fonction du type d’occupation des bâtiments (maisons de retraite, établissements scolaires).
- Recours à des climatiseurs de qualité suivant les recommandations de l’ADEME.
Dans un plan d’adaptation au changement climatique, il ne faudrait pas se limiter à la climatisation de nos bâtiments. Les conséquences des sécheresses récurrentes sur la production agricole, la fragilité de nos forêts face aux incendies, les inondations ou les dégâts causés aux bâtiments par les retraits-gonflements d’argile entre autres sont d’autres sujets de préoccupation. Le PNACC3 (Plan national d’adaptation au changement climatique) dresse un excellent tableau des impacts à court, moyen et long terme sur le territoire français, y compris les Outremer. Il propose également une liste de 52 mesures qui, malheureusement, sans moyens financiers à la hauteur, relève plus d’un catalogue de bonnes intentions que d’un véritable plan. De fait, le gouvernement ne semble pas s’être saisi de ce signal d’alarme malgré l’avertissement lancé par le Haut conseil pour le climat, et il est hautement probable que le Projet de loi de finances (PLF) 2026 ne comportera aucun renforcement financier, ni pour l’atténuation, ni pour l’adaptation au changement climatique. Comme dans tous les aspects d’adaptation au changement climatique, il ne faut pas s’attendre à régler tous les problèmes en quelques mois ou quelques années. Nous sommes sur des actions de long terme. Le manque d’anticipation de la classe politique n’en est que plus condamnable.
Il est urgent que le gouvernement et tous nos responsables politiques comprennent la gravité du dérèglement climatique et prennent des mesures à la hauteur des enjeux. Le PLF sera le premier test grandeur nature mais les engagements du premier ministre sur ce sujet majeur ne nous incitent pas à l’optimisme, pas plus que l’effrayante médiocrité des débats à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Les élections municipales délivreront-elles des messages plus positifs ?