Elle a fait beaucoup parler d’elle, et pour cause : la COP 28 est le lieu où se sont déroulées des discussions internationales pour résoudre la crise climatique. Alors que l’enjeu est colossal, elle a été hébergée cette année à Dubaï, aux Émirats arabes unis, un des principaux pays producteurs d’énergies fossiles. Jean Jouzel, éminent climatologue et président d’honneur d’Agir pour le climat, s’y trouvait, ainsi que Yannick Glemarec, membre de notre conseil d’administration et Marin Chaveyriat, notre administrateur général. Pour vous, voici un billet sur cette COP si spéciale.

C’est quoi une COP ?

Tous les ans, les 197 pays signataires de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se retrouvent aux tables de négociations pour trouver un accord afin de lutter contre le changement climatique.

La COP 28 signifie que, pour la 28e année, les pays signataires se réunissent. La première COP s’est déroulée en 1995, à Berlin. Aujourd’hui, elle se tient à DubaÏ, dans les Émirats arabes unis. La ville est un conglomérat d’autoroutes et de gratte-ciels, et le pays l’un des principaux producteurs et exportateurs d’énergies fossiles. C’est pourquoi la pertinence de la COP 28 a fait couler beaucoup d’encre.

Pourtant, il s’agit d’un événement important. C’est ce qui est souligné dans une publication Linkedin par Loup Espargilière, fondateur du média Vert. Qu’elles aient lieu à Kyoto ou à New York, les négociations portent toujours sur le même sujet, à savoir trouver des accords pour le climat qui satisferont tous les pays participants. C’est aussi la première fois que se tient le Bilan mondial des progressions climatiques. L’Accord de Paris inclut l’obligation de réaliser un tel bilan tous les 5 ans, afin de suivre la progression.

Témoignage de Marin Chaveyriat

La COP 28 est la 2e COP à laquelle j’ai eu la chance de participer en tant qu’observateur. Ma première COP était la COP 26 à Glasgow. Cette année, plus de 70 000 participants sont attendus, soit deux fois plus que les années précédentes. Chaque fois, l’organisation est la même, le site de la COP est divisé en une zone bleue et une zone verte.
COP 28, zone bleue

COP 28, zone bleue

Une zone bleue, dans laquelle on ne peut accéder qu’avec une accréditation de l’ONU. Dans cette zone se trouvent les salles de négociations et les pavillons :

  • Dans les salles de négociations, les délégations envoyées par chaque pays se retrouvent pour trouver un accord sur de multiples textes internationaux : atténuation (réduction de la pollution climatique), adaptation (comment modifier nos sociétés pour encaisser les changements climatiques), pertes et dommages (remboursement des dégâts climatiques aux pays du Sud)…
  • Les pavillons sont des bâtiments qui abritent les expositions des pays participants : il y a le pavillon de la France, de l’Allemagne, des États-Unis, de la Chine… Chaque pavillon organise des événements portant sur divers sujets, comme les énergies renouvelables, la reforestation…

Une zone verte, accessible à tout le monde. On y trouve des stands où diverses entreprises, fondations, organisations font la promotion de leur activité.

COP 28, zone verte

COP 28, zone verte

Les négociations sont très techniques et continuent depuis plusieurs années. Par conséquent, je choisis de passer l’essentiel de mon temps dans les pavillons et de discuter avec diverses personnes engagées pour le climat à travers leurs organisations. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, de nombreux accords et initiatives bénéfiques pour le climat naissent des discussions informelles qui ont lieu dans les pavillons !

Témoignage de Jean Jouzel

La COP 28 était la 22e à laquelle je participais, à chaque fois comme membre de la délégation française, présidée par Stéphane Crouzat, puis par la Ministre Agnès Pannier-Runacher. Cela me donne le privilège de suivre leur déroulement de l’intérieur, en particulier d’assister chaque soir à la séance de débriefing au cours de laquelle chaque négociateur fait le point sur les avancées de la négociation dans laquelle il est impliqué, et sur les difficultés rencontrées, rappelant que ces négociations sont conduites au niveau européen. 

Pour cette COP je n’ai participé qu’à la première semaine au cours de laquelle les aspects discutés peuvent être assez techniques, le consensus vers le document final n’étant traditionnellement atteint qu’en toute fin de la seconde semaine, dans les toutes dernières heures du segment ministériel. 

En la matière, la COP de Dubaï a fait exception puisque c’est dès son ouverture que la création –annoncée à Charm-el-Cheikh lors de la clôture de la COP 27 – du fonds “Pertes et dommages” consacré à la réparation des catastrophes climatiques, a été adoptée. Cette décision a, me semble-t-il, permis de rétablir un peu de confiance entre les pays les moins avancés et les pays développés et donc de contribuer au bon déroulement des négociations. Mais, dès le départ, nous savions que le succès ou l’échec de cette COP se jouerait sur la façon dont serait, ou non, mentionnée la “sortie des énergies fossiles”. 

Cela peut sembler incroyable, mais il a fallu 30 ans de réunions internationales sur le climat pour parvenir à un accord qui inclut une mention claire des énergies fossiles alors qu’au cours des 50 dernières années elles ont contribué aux trois quarts de l’augmentation de l’effet de serre, proportion qui ne tend pas à diminuer sur les années récentes. Il y a deux ans, à la COP 26 de Glasgow, le texte final a réussi à introduire pour la toute première fois une mention à l’une d’entre elles en soulignant la nécessité de “diminuer les émissions liées au charbon” mais l’an dernier à Sharm el-Sheikh, toutes les tentatives de mentionner les énergies fossiles ont été neutralisées. À Dubaï, l’attention a enfin porté sur ces énergies fossiles et s’est focalisée sur le “paquet énergie”.

Notons d’abord que le document final Outcome of the first global stocktake (premier bilan mondial) s’appuie explicitement sur le dernier rapport du GIEC en reconnaissant que limiter le réchauffement à 1,5° C sans ou avec un dépassement limité requiert un pic d’émissions de gaz à effet de serre en 2025 au plus tard et une réduction par rapport à 2019 de ces émissions de 43 % en 2030 et de 60 % en 2035. La nécessité de limiter rapidement et de façon soutenue ces émissions y est reconnue avec, pour la première fois, la mention des combustibles fossiles dont “il faut s’éloigner dans les systèmes énergétiques, de manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, de façon à atteindre la neutralité carbone en 2050 en accord avec le diagnostic scientifique”. 

Certes le mot de “réduction”, ou mieux de “sortie”, n’apparaît pas. Mais c’est un véritable succès diplomatique pour le Président de la COP, Sultan Al Jaber, ministre Émirien et président d’ADNOC, la compagnie pétrolière nationale, que d’avoir fait accepter celui de “fossiles” dans le texte final. C’était loin d’être gagné car il fallait obtenir l’unanimité des 197 pays participants pour approuver le texte. Ainsi, il a fallu convaincre l’Arabie Saoudite d’admettre qu’une telle transition était une priorité à l’échelle planétaire, ce qu’aucune présidence de COP n’avait réussi jusque-là.

Ce paquet énergie inclut des objectifs importants comme le triplement de la capacité globale des énergies renouvelables et le doublement du rythme annuel d’amélioration de l’efficacité énergétique. Il appelle par ailleurs à :

  • l’accélération de technologies bas carbone citant sans les hiérarchiser les renouvelables, le nucléaire, le piégeage et stockage du carbone et la filière hydrogène, 
  • la réduction des gaz à effet de serre autres que le CO2, le méthane en premier lieu. 

Ce paquet énergie est donc assez riche, mais en l’absence d’objectifs chiffrés, et de par son caractère non contraignant, on peut légitimement craindre que les objectifs affichés ne soient pas atteints. Cela devrait être le cas puisque les producteurs de combustibles fossiles envisagent une augmentation des émissions au moins jusque vers 2030, ce qui risque de nous emmener vers des réchauffements proches de 3° C dans la seconde partie du siècle… 

J’ai été moins attentif à l’ensemble des nombreux autres aspects abordés tout au long de cette COP 28, adaptation, financements, développement et transfert de technologies, coopération internationale… le document Bilan mondial fruit de cette conférence est riche de 196 articles qui témoignent de la richesse des négociations conduites à Dubaï.

Le point le plus important est qu’au final, plus de 190 pays ont accepté à l’unanimité un texte qui appelle à “sortir progressivement des énergies fossiles”.

Les associations comme Agir pour le climat ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le changement climatique. En faisant pression sur le gouvernement et en proposant des solutions efficaces et équitables, elles augmentent l’ambition climatique de leur gouvernement. Cette ambition est ensuite répercutée à l’international, lorsque la délégation va négocier aux COP avec les autres pays.