La COP 30 commence le mois prochain. Pour la 30e année consécutive, les dirigeants de la quasi-totalité des pays vont se réunir pour tenter d’enrayer le changement climatique. Allons-nous atteindre les objectifs de l’accord de Paris ? Est-ce que la Chine, l’UE et l’Inde vont s’allier face à Trump ? Décryptage par Jean Jouzel, éminent climatologue et Président d’honneur de l’association.
Chercheur dans le domaine de l’évolution – passée et future – de notre climat, impliqué dans l’élaboration des rapports successifs du GIEC de 1994 à 2015, c’est à l’aune du constat très alarmant établi par notre communauté scientifique que j’aborde cette COP 30 à laquelle je participerai au titre de la délégation française. Les conclusions du dernier rapport du GIEC publié en 2023 sont sans appel : le changement climatique est une menace pour le bien-être humain et la santé planétaire, en d’autres termes pour notre humanité et la nature qui nous entoure. Et de préciser que tout nouveau retard dans l’action mondiale sur l’adaptation et l’atténuation sera préjudiciable et que la fenêtre d’opportunité pour assurer un avenir vivable et durable pour tous est brève et se referme rapidement.
Depuis cette publication, dans laquelle le réchauffement climatique était de façon certaine attribué à nos activités, il n’y a pas vraiment de bonnes nouvelles. Les deux dernières années ont vu tomber tous les records, la barre des 1,5 °C, par rapport à la période préindustrielle, 1850-1900, ayant pour la première fois été franchie en 2024. Certes, le phénomène El Nino y a un peu contribué mais 90 % de ce réchauffement est lié à nos activités. Ce seuil de +1,5 °C, au cœur de l’accord de Paris, devrait être régulièrement dépassé au cours de la prochaine décennie, et celui moins ambitieux de +2 °C durant la suivante. À long terme, il nous faut définitivement oublier l’objectif 1,5 °C qui requiert de limiter nos émissions futures de CO2 à 3 ans de sa valeur actuelle et il ne nous reste plus qu’une vingtaine d’années d’émissions pour avoir des chances de respecter les 2 °C. Même s’ils étaient désormais respectés, les engagements pris il y a 10 ans nous emmèneraient délibérément vers +3 °C d’ici 2100. Très probablement plus si les compagnies gazières et pétrolifères réussissent ce qu’elles envisagent aujourd’hui : croissance de la production jusqu’en 2040, voire jusqu’en 2050.
Face à ce constat, je souhaite vivement que la COP 30 soit celle du sursaut. C’est d’ailleurs son objectif premier. Tous les 5 ans, les États signataires de l’accord de Paris doivent mettre à jour leurs CDN (contributions déterminées au niveau national) et 2025 est la date limite pour la soumission des engagements à horizon 2035. Or, début octobre, moins d’un tiers d’entre eux avaient répondu à cette demande et aucun des grands émetteurs n’est à ce jour au rendez-vous. La Chine, premier pays émetteur, devrait s’engager à réduire ses émissions de 7 à 10 % par rapport à son pic – qu’elle n’est, semble-t-il, pas loin d’atteindre – mais c’est un objectif de -30 % qu’il lui faudrait afficher pour que ce pays s’aligne sur la cible 1,5 °C. Viennent ensuite les États-Unis, sans engagement aucun sous le second mandat de Donald Trump puisqu’ils sont de nouveau en train de quitter l’accord de Paris, l’Inde qui devrait publier son plan d’action juste avant la COP, puis l’Europe. Et là l’ambition est affichée par la Commission européenne qui propose à horizon 2040 une réduction de 90 % – dans ce cas par rapport à 1990 – mais pour l’objectif 2035 les États membres sont loin d’être d’accord et leur position reste floue autour d’une réduction comprise entre 66 et 72%. Une bonne nouvelle pour la COP 30 serait que, face à des États-Unis pour le moment hors-jeu, Chine, Inde et Europe y affirment leur ambition mais cela tient, j’en suis conscient, du rêve.
Comme à chaque COP – j’en suis à ma 23e participation – de nombreux thèmes autres que celui de la réduction des émissions de gaz à effet de serre seront abordés au cours de ces deux semaines. Beaucoup d’entre eux sont récurrents, la question globale des financements climatiques – les 300 milliards de dollars d’aides aux pays en développement envisagés à horizon 2035 sont loin des 1 300 milliards estimés par ces derniers, mais ils seront quasiment impossibles à mobiliser suite au retrait des États-Unis – les objectifs d’une transition juste, et tout ce qui touche à l’adaptation et à son financement. D’autres sont plus récents comme le suivi des engagements pris il y a 2 ans sur la sortie des combustibles fossiles et sur la montée en puissance des renouvelables. Et sans surprise la protection des forêts sera au cœur de cette conférence que le président Lula a souhaité organiser en Amazonie avec la mise en place d’un fonds dédié. Il a aussi souhaité que cette COP 30 soit celle de l’implémentation, de la mise en œuvre. À juste titre, car il y a urgence.
