La COP26 de Glasgow, nouveau point d’étape dans le marathon de la lutte contre le réchauffement climatique, s’est achevée, après prolongations, ce samedi 13/11. Représentants des Etats, scientifiques, militants et lobbyistes se sont rassemblés pour prendre part, directement ou indirectement, aux discussions qui allaient définir le cadre du Pacte de Glasgow.

Les attentes étaient grandes en amont du sommet. Un coup d’œil au rapport de l’ONU évaluant les NDC (Nationally Determined Contributions), plans d’action des États signataires de l’Accord de Paris pour atteindre l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 2°, nous apprend qu’ils sont insuffisants et nous mènent (s’ils sont respectés) sur une trajectoire à 2,7°C. Dans un monde climatiquement instable donc.

Les officiels avaient abondamment communiqué sur leur venue à Glasgow et sur leurs objectifs. Le site de la COP26 mettait l’accent sur l’élimination du charbon, la limitation de la déforestation, l’accélération du passage à une mobilité électrique, le méthane…

Le méthane au centre des débats

Sur ce dernier point, un accord a été scellé à Glasgow : 105 États se sont engagés à réduire leurs émissions de méthane de 30% d’ici 2030. Si le super polluant a fait l’objet d’une attention particulière, c’est qu’il est responsable d’un quart du réchauffement climatique. Ses émissions proviennent en quantité de l’agriculture (en particulier l’élevage), des combustibles fossiles et du traitement des déchets et, d’après Kathleen Mar, spécialiste en chimie de l’atmosphère de l’Institut allemand des études avancées sur le développement durable, le gaz « est si puissant qu’en rognant ne serait-ce qu’un peu sur la quantité qu’on émet, on peut limiter drastiquement l’augmentation de la température.».

Pour Maxime Beaugrand, la directrice du bureau parisien de l’ONG américaine IGSD qui s’était entretenue avec notre association sur ces sujets, « Les super polluants ont deux particularités communes : une courte durée de vie dans l’atmosphère (entre quelques jours pour le carbone suie et une dizaine d’années pour le méthane) et un fort pouvoir de réchauffement global. Réduire ces super polluants évitera de 2 à 6 fois plus de réchauffement que les réductions d’émissions de CO2 ».

Si les objectifs de l’accord sur le méthane sont atteints, on pourrait gagner deux dixièmes de degré sur le réchauffement climatique. Bémol, cependant, certains des plus gros émetteurs comme la Chine, la Russie ou l’Inde manquent à l’appel.

L’accord sur le méthane, comme d’autres annonces importantes (celle sur le Great Green Wall par exemple), sont des avancées nécessaires, mais elles ne doivent pas détourner l’attention de la question principale : notre addiction aux énergies fossiles et la responsabilité de l’industrie et du monde de la finance. Pour citer Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, vice-présidente du groupe 1 du GIEC : « On ne doit pas faire croire aux gens qu’on réglera le problème en plantant des arbres ».

Manque de fermeté sur la sortie des énergies fossiles

Les énergies fossiles sont responsables de près de 90% des émissions contribuant au réchauffement climatique. Les réserves de pétrole, de gaz et de charbon restantes sur Terre sont suffisantes pour nous mener dans un monde à + 5 °C – + 7 °C. Les gouvernements doivent s’emparer fermement du sujet, être irréprochables sur la question et mettre au pas industries et monde de la finance.

Voir le sujet éludé et ne pas faire l’objet d’engagements suffisants était la crainte de notre président d’honneur, Jean Jouzel, et de Valérie Masson-Delmotte. Ils nous l’avaient partagée il y a quelques semaines lors de l’AG de Agir pour le climat (échanges à retrouver en intégralité ici) et les conclusions des débats à Glasgow semblent malheureusement leur donner raison.

La sortie du charbon faisait bien partie des objectifs de la COP et de nombreux négociateurs sont venus à Glasgow poser la première pierre d’un monde décarboné. Un accord visant à mettre fin aux subventions publiques aux énergies fossiles à l’étranger d’ici à fin 2022 a même été co-signé par de nombreux gouvernements (Pays-Bas, Allemagne, R-U, USA, Canada…) et banques publiques (dont l’AFD). Sur ce point, la France s’est d’abord distinguée par son absence avant de se raviser sous la pression des négociateurs et les critiques des ONG et annoncer au dernier jour de la COP, par la voix de Barbara Pompili, qu’elle signait l’accord et rejoignait la coalition. Mais cet accord est trop peu contraignant : il ne concerne que les projets qui ne sont pas accompagnés de dispositifs d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Pour le cas de la France par exemple, l’engagement n’annule aucune subvention pour les projets carbonés en cours.

Un accord qui sonne creux

Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, taclait déjà, 5 jours avant la clôture officielle de la COP, les promesses « qui sonnent creux » si elles ne sont pas accompagnées de mesures fortes pour amorcer la sortie des énergies fossiles. Sans même parler de mesures, le pacte de Glasgow qui a finalement été adopté après des prolongations laborieuses sonne effectivement creux. Le texte soumis à la validation des représentants des Etats contenait le terme prometteur de « sortie » des énergies fossiles, mais sous la pression de la Chine et de l’Inde, il a été remplacé au dernier moment par le terme bien moins ambitieux de « réduction ».

Notre addiction aux énergies fossiles fait peser le double risque financier et climatique à nos sociétés et parmi les dirigeants présents à Glasgow, beaucoup n’ont pas pris la mesure de ces risques. En l’absence d’une position affirmée sur la sortie des énergies fossiles, l’issue de cette COP ne peut être considérée autrement que comme un nouveau revers.