Lucas Chabalier est responsable plaidoyer d’Agir pour le climat. Depuis 2 ans, il s’occupe du volet « financement de la rénovation énergétique » dans l’association. Il coordonne aujourd’hui la coalition Unlock en France, qui vise à mobiliser les investissements publics et privés nécessaires à la rénovation performante de notre parc de logements. Pour nous il revient sur ce partenariat.

Comment et pourquoi est apparue l’idée de rejoindre Positive Money Europe et sa campagne Unlock ?

C’est dans le cadre du travail qu’Agir pour le climat conduisait avec des experts européens sur le financement de la rénovation énergétique des bâtiments que nous avons été amenés à discuter – ou plutôt à rediscuter – avec Positive Money Europe (PMEU ayant été un soutien du Pacte Finance-Climat). Stan Jourdan et son équipe portaient la solution de Green TLTRO (opérations de refinancement ciblé à long terme), qui consiste pour la BCE à refinancer à taux négatif les banques qui octroient des prêts à la rénovation énergétique. Nous avons donc proposé à Positive Money Europe de contribuer au cahier que nous préparions dans le sillage de notre conférence du printemps 2021.

Puis Positive Money Europe, qui souhaitait lancer une campagne sur les Green TLTRO et cherchait à s’appuyer sur un partenaire en France, nous a demandé si Agir pour le climat accepterait de tenir ce rôle. Nous pensions nous-mêmes traduire le travail mené avec les experts en campagne. C’était donc une belle occasion, à condition de s’entendre sur le type de rénovations visées (elles devaient être performantes) et d’élargir le périmètre de la campagne au-delà des seules TLTRO. Le Conseil d’administration d’APLC s’est prononcé favorablement. Avec la guerre en Ukraine, le périmètre de la campagne a même été élargi à l’ensemble de la problématique du financement, en intégrant aussi l’investissement public.

En quoi consiste ta fonction de “Chargé de partenariat et stratégie” sur la campagne Unlock France ?

Elle consiste à former et animer une coalition. Une dizaine d’organisations font aujourd’hui partie de la campagne Unlock France : l’Institut Rousseau, l’Association et l’Institut négaWatt, Dorémi, le CLER-Réseau pour la transition énergétique, l’Institut Veblen (qui comptait parmi les soutiens du Pacte Finance-Climat), la Fondation Abbé Pierre, le Shift Project, Reclaim Finance. J’échange toutes les semaines avec tels ou tels partenaires et j’organise régulièrement des réunions collectives. Les sujets traités sont très divers : stratégie, engagement auprès des banques, développement d’argumentaires, signature et préparation de publications, comptes-rendus de rencontres, organisation d’entretiens filmés, identification de propriétaires de maisons rénovées BBC pour témoignages, dossier de presse, chiffrage, sondage, etc.

Avec plusieurs experts de la coalition, nous avons adapté les demandes de la campagne Unlock au cadre français, en l’inscrivant dans une trajectoire de 700 000 rénovations BBC par an en moyenne jusqu’en 2050. Nous avons chiffré le besoin d’investissement annuel à 28 milliards d’euros, que nous répartissons équitablement entre État et ménages, après affectation des 2 milliards d’euros de CEE logements aux rénovations globales. Nous demandons donc à l’État un effort budgétaire significatif (8 milliards d’euros, en plus des 5 milliards de soutien à la rénovation énergétique des logements qui doivent être réorientés vers les rénovations performantes) : même avec des prêts à taux 0 (qui existent déjà en France avec l’Eco-PTZ, financé par un crédit d’impôt aux banques) et un coût de l’énergie appelé à rester durablement élevé, la subvention demeure un élément-déclencheur central pour des rénovations qui dépassent facilement les 50 000 euros en maison individuelle. Au regard de la rentabilité de cet investissement pour la collectivité, à moyen et long terme, et des dispositifs de soutien aux énergies fossiles, qui restent massifs, cette montée en puissance de l’État est non seulement justifiée, mais aussi parfaitement finançable.

Est-ce que tu peux nous parler des avancées et des objectifs du plaidoyer au niveau européen et français ?

Au niveau UE, le plaidoyer cible prioritairement le Parlement, qui doit voter la Directive révisée sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD) fin décembre et l’évaluation du rapport sur la BCE en février. Sur la directive, l’enjeu est d’obtenir que le Mortgage Portfolio Standard proposé par la Commission soit rendu obligatoire. Ce dispositif conduirait les banques à analyser et améliorer la classe énergétique de leur portefeuille de prêts immobiliers. L’idée étant de les pousser à proposer des prêts à la rénovation. Une lettre ouverte signée par des économistes et des experts de la rénovation énergétique sera prochainement publiée. Sur le rapport de la BCE, il s’agit d’obtenir une résolution du Parlement européen en faveur des Green-TLTRO.

Côté français, nous cherchons à engager le dialogue avec la Banque de France en abordant le sujet de la rénovation sous l’angle de la stabilité financière : dans un contexte de prix de l’énergie élevés, le risque d’impayés des ménages habitant des logements mal isolés devient plus élevé. Nous avons adressé une lettre ouverte au gouverneur François Villeroy de Galhau, dont les députés de la commission Finances de l’Assemblée nationale se sont fait l’écho lors de son audition le 28 septembre. Mais nous cherchons surtout à impliquer les établissements bancaires. Nous avons discuté avec de nombreux responsables dans les principales banques françaises, et espérons parvenir à organiser une réunion de place en début d’année prochaine…