Virginie Schwarz est une ingénieur générale des mines de Paris et haut fonctionnaire. Elle est spécialiste des politiques publiques du secteur de l’énergie, de l’environnement et du changement climatique. Elle a été directrice de l’Énergie au ministère de l’Écologie et a aussi travaillé au Programme des Nations unies pour le développement de 2007 à 2009 à New York sur le changement climatique. Elle a également été directrice générale déléguée de l’ADEME. Depuis 2019, elle est la présidente-directrice générale (PDG) de Météo France, qu’elle nous présente.
Virginie Schwarz, vous êtes présidente-directrice générale de Météo-France. Pouvez-vous nous rappeler le statut de cet organisme et ses principales missions de service public ?
Météo-France est un établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique. On nous connaît surtout pour annoncer le temps qu’il fera demain… mais nos missions sont bien plus vastes. Nous observons l’atmosphère en permanence et nous anticipons les phénomènes dangereux afin d’en avertir les autorités. Nos prévisions sont indispensables à de nombreux secteurs : agriculture, énergie, aviation, marine… Et nous faisons aussi de la recherche : nos modèles numériques, nos supercalculateurs et notre réseau d’observation servent à améliorer la prévision météo à court terme et à comprendre le climat à long terme, en métropole et outre-mer. Nous avons également de nombreuses missions liées au changement climatique : capitaliser les données du passé, faire le diagnostic du changement climatique actuel et des projections du climat futur, sensibiliser et fournir des services climatiques pour aider à l’adaptation de notre société.
Depuis plusieurs années, Météo-France se fait entendre sur le sujet du changement climatique. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre météorologie et science du climat ?
À Météo-France, nous faisons à la fois des prévisions météo et des études sur le climat. Les deux sont liées, mais elles ne regardent pas le même horizon de temps. La météo, c’est le court terme : prévoir ce qu’il va se passer dans les prochains jours à partir de l’état actuel de l’atmosphère. Le climat, c’est le long terme : analyser le temps qu’il a fait sur plusieurs dizaines d’années pour comprendre comment le climat a évolué et élaborer des projections climatiques pour étudier son évolution dans les prochaines décennies. On ne peut pas prévoir le temps qu’il fera un jour précis en 2100, mais les projections climatiques indiquent que les étés seront de plus en plus caniculaires et les nuits plus chaudes, les fortes pluies seront plus intenses et les feux de forêt plus nombreux. Ces informations sont essentielles pour préparer chaque territoire aux changements à venir.
Pour se préparer à ces changements, le ministère de la Transition écologique a fixé, dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique, une trajectoire de réchauffement référence, la TRACC, élaborée à partir des données de Météo-France. Pouvez-vous nous présenter cette TRACC ?
La TRACC, pour Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique, a en effet été élaborée à partir des données et projections climatiques produites par Météo-France. Elle envisage un réchauffement en France hexagonale de +2,7 °C à l’horizon 2050 et de +4 °C à l’horizon 2100, par rapport à 1900. Ce n’est évidemment pas ce qui est souhaité mais c’est un scénario de référence destiné à guider les décisions pour l’adaptation. Une France à +4 °C ne signifie pas un réchauffement uniforme partout et en toutes saisons : l’évolution des températures et des précipitations varieront selon les régions et les périodes de l’année. Mais partout les vagues de chaleur seront, en moyenne, plus fréquentes et plus longues, avec un plus grand nombre de nuits chaudes qui auront de fortes répercussions sur la santé publique, en particulier pour les personnes les plus vulnérables. La sécheresse des sols s’aggravera, pesant sur l’agriculture et les écosystèmes. La diminution de la ressource en eau en été affectera l’approvisionnement en eau potable et la production d’énergie. À l’inverse, les épisodes de pluies intenses pourront se renforcer et provoquer des inondations encore plus importantes, en particulier en zone urbaine par effet de ruissellement. Le risque de feux de forêt et de végétation s’étendra à quasiment tout le pays.
Nous travaillons avec de nombreux autres organismes pour comprendre et se préparer aux effets du changement climatique : avec RTE pour anticiper les besoins du réseau électrique, avec l’ONF pour anticiper l’évolution de la forêt et les risques qui pèsent sur elle dont les risques d’incendie mais aussi de dépérissement, ou encore avec le BRGM pour suivre la ressource en eau et la hausse du niveau de la mer et ses impacts sur le littoral. Et pour faciliter la prise de décision, nous proposons des services climatiques comme Climadiag Commune, qui offre une première synthèse des impacts auxquels chaque territoire sera exposé en 2030, 2050 et 2100 d’après la TRACC, ou Climadiag Agriculture, qui aide les agriculteurs à anticiper l’évolution du climat et à ajuster leurs pratiques à partir d’indicateurs ciblés par culture. Notre rôle, c’est de rendre la science utile et compréhensible, pour que chacun puisse agir dès maintenant.