Pendant que les écologistes français font leur primaire, les écologistes allemands ont tenté de succéder à Angela Merkel à la Chancellerie. Les Allemands ont voté le 26 septembre dans le cadre des élections fédérales dont les résultats sont en passe de dessiner la composition du prochain gouvernement de coalition qui dirigera outre-Rhin. Panorama non exhaustif des propositions des écolos allemands.

 

Annalena Baerbock (14.8% des voix), la candidate écologiste « réalos » (pragmatique), s’est mesuré au conservateur du CDU Armin Laschet (24.1%), dauphin de Angela Merkel, et au candidat du SPD et actuel ministre des Finances, Olaf Scholz qui termine en tête du scrutin (25.7%). Entre les inondations meurtrières qui ont submergées l’ouest de l’Allemagne et la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe qui menace l’Etat allemand de sanctions s’il ne respecte pas l’objectif de réduction des émissions de 65% d’ici 2030, la thématique du climat était au cœur de ces élections législatives. Alors que proposent Annalena Baerbock et ses collègues ?

Financement de la transition – En finir avec l’étouffante rigueur budgétaire allemande

Les Grünen veulent mettre 50 milliards de plus sur la table pour la transition écologique chaque année pendant 10 ans. Louable mais insuffisant si l’on se base sur les résultats de l’enquête menée par le BDI, la fédération de l’industrie allemande, qui chiffre le montant nécessaire à l’Allemagne pour effectuer une transition « soutenable » à… 2 300 milliards.

En tout cas, les Verts souhaitent profiter des conditions actuellement favorables pour emprunter et utiliser l’endettement public massif pour atteindre leurs objectifs. Mais pour ce faire, ils doivent s’affranchir des chaînes des réglementations budgétaires contraignantes. Au niveau national d’abord, où ils souhaitent réformer le mécanisme de frein à la dette approuvé en 2009 par le Bundestag. Au niveau européen ensuite, où ils souhaitent amender le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC), qui limite le déficit des États Membres à 3% de leur PIB, en faisant des investissements nécessaires à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre une exception (ce qui est d’ailleurs une proposition du Pacte Finance-Climat présenté par notre association). Pour rappel, les règles budgétaires du PSC sont actuellement suspendues jusqu’à fin 2022 pour permettre aux Etats Membres d’allouer les fonds suffisants pour faire face à la pandémie du Covid-19. Il est indispensable de pérenniser la suspension de la rigueur budgétaire européenne pour permettre aux puissances publiques de faire face à la crise climatique et les Verts Allemands, s’ils accèdent à la chancellerie, plaideront en ce sens auprès de leurs partenaires européens.

Le prix du carbone comme levier

Atteindre la neutralité des émissions a un prix et pour Annalena Baerbock c’est le prix de la tonne carbone. La candidate souhaite l’augmenter considérablement et rapidement pour atteindre les 60€/tonne à partir de 2023. Du côté du Bundestag, on prévoit d’atteindre les 55€/tonne à l’horizon 2025. Avec cette annonce, la candidate rejoint les discours des experts du BDI qui expliquent qu’une hausse du prix du carbone n’a de l’effet que si elle est suffisamment importante pour poser des dilemmes d’investissements aux entreprises et aux particuliers.

Cette hausse aura des effets, assumés chez les Grünen, sur le prix de l’essence. Annalena Baerbock souhaite augmenter le prix du carburant de 16 centimes par litre (déjà augmenté de 6 centimes début 2021, du à la mise en place d’une taxe sur le CO²). Pour éviter un effet « gilet jaune », les Verts allemands comptent sur un « fonds pour l’énergie » qui serait alimenté par les recettes CO² et dont les revenus seraient ensuite redistribués à la population et en priorité aux foyers avec enfants et aux personnes à faibles revenus. Une bonne idée en soi, qui n’est cependant pas nouvelle puisqu’elle était déjà présente dans la “Contribution Climat-Energie” du Grenelle de l’environnement dès… 2009 !

Transition et souveraineté énergétique

C’est sur cette hausse des prix du carbone que Annalena Baerbock parie pour rendre l’exploitation des dernières centrales à charbon non rentables et se dépêtrer rapidement de la dépendance au charbon. Les Verts ont très fortement critiqué le manque d’ambition de l’objectif de sortie progressive du charbon fixé par le Bundestag à 2038 et c’est donc logiquement qu’ils annoncent, dans leur programme, vouloir avancer l’échéance à 2030.

Mais quelle source d’énergie pour pallier la sortie du charbon ? Le gaz pose des problèmes en matière de lutte contre le réchauffement climatique bien sûr, mais également en termes de souveraineté énergétique. C’est en partie pour éviter de trop s’exposer à la dépendance au gaz russe que Annalena Baerbock, une fois élue, stoppera la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 qui doit relier l’Allemagne à la Russie via la Baltique. En matière de politique énergétique, les Verts parient notamment sur l’hydrogène en voulant adapter les infrastructures gazières existantes à sa production et transport. Mais ils mettent surtout l’accent sur une accélération du développement des énergies renouvelables et plaideront à l’échelon européen pour une « Union «énergétique» du renouvelable.

Arrivés en troisième position avec près de 15% des voix, les Verts ne dirigeront pas le futur gouvernement mais devraient vraisemblablement être incontournables dans la coalition avec le SPD (arrivé premier). Est-ce que les écologistes parviendront à peser suffisamment pour imposer leurs projets dans la politique mise en œuvre par le prochain chancelier ?