Le collectif Jeune contribue à notre newsletter. Cette fois-ci c’est Riwan Driouich qui vous propose une fiche de lecture de l’ouvrage d’Antonin Pottier « Comment les économistes réchauffent la planète »

Pourquoi les successives COP (Conference of Parties), jusqu’à la 25e s’étant tenue à Madrid en décembre dernier, n’ont-elles pas (encore ?) mis l’économie mondiale sur le chemin de la transition écologique ?

Comment expliquer l’extrême dissonance entre les promesses de catastrophes futures engendrées par le réchauffement climatique et la faiblesse des mesures mises en œuvre pour l’enrayer ?

Tandis que les spécialistes du climat nous promettent des désastres si l’on dépasse, à horizon 2100, les 2 °C de réchauffement par rapport à la période préindustrielle, le prix « Nobel » d’économie William Nordhaus soutient qu’un réchauffement de 2 °C à cette échéance diminuerait la richesse mondiale de 1 %, et de moins de 10 % pour un réchauffement de 6 °C(1) !!!

Antonin Pottier, économiste spécialiste du changement climatique et ancien élève de l’ENS-Ulm, entend montrer qu’une partie de la réponse à ces questions se trouve du côté de l’économie néo-classique, le courant de l’économie le plus répandu, dont W. Nordhaus est un représentant. L’ouvrage est une démonstration passionnante de la manière dont les schémas de pensée de l’économie dominante appliqués à l’étude du réchauffement climatique contribuent à limiter l’action contre celui-ci. Rigoureux et faisant montre des connaissances de son auteur, il reste accessible à un public profane.

Les écueils de la théorie et du discours économique dominants
À un premier niveau d’étude, Antonin Pottier explicite les schémas analytiques utilisés par la plupart des économistes pour étudier le réchauffement climatique et estimer son impact futur sur nos économies. En soulignant les limites de ces différents outils, l’auteur permet au lecteur de comprendre pourquoi les projections de la plupart des économistes – comme celle de W. Nordhaus – sont si éloignées des positions des spécialistes du climat. En particulier, ces modèles sont aveugles à de potentielles frictions politiques et sociales liées au dérèglement climatique.

Théorie économique et discours économique : une représentation erronée du monde !
À un degré d’analyse plus élevé, l’auteur décortique les concepts théoriques de l’économie dominante et leurs fortes limites pour rendre compte de la réalité du fonctionnement des marchés. Elles alimentent le « discours économique », la traduction du savoir économique dans les représentations des non-économistes, qui souscrit bien souvent à la main invisible des marchés et à leur « naturelle » optimalité pour régler le problème du réchauffement climatique. De telles représentations, souvent erronées et faisant fi des réalités des mondes social et diplomatique, expliquent pour l’auteur l’échec des COP successives et d’un marché mondial du carbone. Jusqu’à, affirme Antonin Pottier, fournir un argumentaire aux climato-sceptiques.


(1) Antonin Pottier,
Climat : William Nordhaus est-il bien sérieux ? Alternatives économiques, 09/10/2018.
https://www.alternatives-economiques.fr/climat-william-nordhaus-bien-serieux/00086544

 

Pour aller plus loin
– Antonin Pottier, Comment les économistes réchauffent la planète, Éditions du seuil, 2016
– Antonin Pottier, Climat : William Nordhaus est-il bien sérieux ? Alternatives économiques, 09/10/2018. https://www.alternatives-economiques.fr/climat-william-nordhaus-bien-serieux/00086544
– Steve Keen, L’imposture économique, Les éditions de l’atelier, 2014
– Présentation de Steve Keen « Flawed approached (and a new approach) to environmental challenges » à la conférence de l’OCDE « Averting systemic collapse », 18/09/2019, Paris, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=EtKW3OK2_lk