Auditionnés mercredi 23 janvier par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, l’économiste Pierre Larrouturou et le climatologue Jean Jouzel ont précisé les contours de leur proposition de pacte européen finance-climat, qui prévoit notamment la création d’une Banque européenne du climat et la mobilisation de 1100 milliards d’euros par an en faveur de la transition énergétique.

La transition énergétique européenne coûtera cher. Très cher même, prévoyait en septembre 2017 un rapport de la Cour des comptes européenne, qui estimait à 1 115 milliards d’euros le montant à mobiliser annuellement entre 2021 et 2030 en vue d’atteindre les objectifs d’atténuation des émissions de dioxyde de carbone que s’est fixés l’Union pour les décennies à venir. Un chiffre astronomique, mais pas inaccessible, selon le climatologue Jean Jouzel et l’économiste Pierre Larrouturu, à condition toutefois de mettre la finance au service de cette ambition.

Banque du climat et budget européen

Auditionnés mercredi 23 janvier par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, les deux hommes ont exposé les grandes lignes de leur projet de Pacte Finance Climat qui permettrait justement selon eux de réunir les sommes nécessaires à la poursuite de cet objectif. Porté depuis décembre 2017, celui-ci suggère la mise en place de deux leviers d’action : le premier consiste en la création d’une Banque du Climat, affiliée à la Banque européenne d’investissement (BEI), dont l’utilité serait d’accorder chaque année pendant 30 ans des prêts à taux zéro aux pays signataires du pacte, à hauteur de 2 % de leur PIB.

Ensuite, vient la mise en place d’un budget européen pour le climat doté de 100 milliards d’euros et financé par une taxe de 5 % sur les bénéfices des entreprises à l’heure où, constate Pierre Larrouturou, les « bénéfices n’ont jamais été aussi importants », tandis que l’impôt sur les sociétés ne s’élève en France qu’à 19 %, contre 38 % aux Etats-Unis pré-Trump et 24 % aujourd’hui. Celui-ci permettrait de servir trois objectifs : les deux premiers touchent au financement d’un Plan Marshall pour l’Afrique, à hauteur de 40 milliards d’euros et à celui de la lutte contre le dérèglement climatique à l’échelle des citoyens et des entreprises européens pour 50 milliards d’euros. Cette dernière enveloppe devrait notamment permettre, explique-t-il, citant des chiffres de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), de créer quelque 900 000 emplois dans l’Hexagone, en particulier dans les secteurs les plus concernés par la transition : bâtiments, transports, énergies renouvelables… « Ce budget doit aider chacun d’entre nous s’il y a des travaux à faire dans la maison où vous habitez, ou dans l’entreprise dans laquelle vous travaillez », poursuit l’économiste. Enfin, les 10 milliards restants iraient à la recherche, avec l’ambition de placer l’Europe à la pointe du développement d’alternatives moins consommatrices dans les domaines du transport ou d’internet par exemple.

Une fenêtre de tir réduite

Avec ce plan, les deux hommes espèrent tacler un réchauffement climatique qui, rappelle Jean Jouzel, aura d’ici la fin du siècle des effets calamiteux sur nos sociétés – acidification de l’océan, multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, déplacements de populations, effondrement de la biodiversité, problèmes de sécurité alimentaire, disparition des récifs coralliens, élévation du niveau de la mer, dégel du permafrost…- mais dont les effets sont également déjà bien visibles aujourd’hui : « Les quatre dernières années ont été les plus chaudes que nous ayons connues depuis 150 ans. Ce n’est pas une surprise, puisque nous avons augmenté l’effet de serre – plus de 40 % pour de le CO2 depuis 200 ans – et modifié la composition de l’atmosphère (…) Le réchauffement est sans équivoque : c’est la conclusion du 5e rapport du GIEC et il est pour l’essentiel lié aux activités humaines. C’est très clair ». Avant d’insister : « Ce n’est pas des générations futures que l’on parle, mais des jeunes d’aujourd’hui ».