L’information est passée sous les radars de la France. Pourtant, c’est une nouvelle pour le moins originale, et qui tombe à pic pour l’anniversaire des 5 ans du mouvement des Gilets jaunes. Dans une conférence de presse donnée par le gouvernement allemand, le chancelier Olaf Scholz et le ministre fédéral des finances Christian Lindner ont affirmé que le Klimageld était en cours d’implémentation.

Qu’est-ce donc ? Le Klimageld (se traduit littéralement par “argent du climat”) consiste simplement à redistribuer l’argent de la taxe carbone directement aux citoyens. Un tel mécanisme de redistribution permet de rendre la taxe carbone plus équitable, transparente et juste. D’après le gouvernement, l’infrastructure informatique sera opérationnelle en 2024, et les premiers paiements sont prévus au plus tard pour 2025.

En effet, la France n’est pas le seul pays à avoir une taxe carbone. Alors qu’elle est souvent perçue comme une mesure inutile, il s’agit d’un levier important pour atteindre notre objectif climatique. Dans son dernier rapport, le GIEC confirme bien que la tarification du carbone est efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. D’après la Banque Mondiale, plus de 40 pays ont déjà mis en place un prix du carbone, pour couvrir environ 23 % des émissions mondiales.

Mais une taxe carbone ne suffit pas : il faut qu’elle soit équitable. En France, elle était profondément injuste. C’est ce qui a été le facteur déclencheur du mouvement des Gilets jaunes.

D’une part, les particuliers automobilistes étaient quasiment les seuls à payer. De nombreux secteurs étaient exonérés, en totalité ou en partie : l’aviation, le transport maritime, le transport routier (bus, camions et taxis), les engins de chantier et les engins agricoles. Les grosses industries, soumises au marché carbone européen, ne payaient quasiment rien à cause des quotas gratuits distribués par l’Union européenne. Pour l’année 2018, la taxe carbone française a représenté 8 milliards d’euros, principalement payés par les particuliers et les petites entreprises. La même année, les industriels soumis au marché carbone européen ont payé 800 millions d’euros, soit 10 fois moins.

D’autre part, les mesures compensatoires étaient beaucoup trop faibles. Un rapport de l’ADEME précise que moins d’un quart des recettes était utilisé pour compenser son impact sur les ménages ou pour investir dans la transition. La majorité allait directement au budget de l’État. En novembre 2017, un avis de la commission des affaires économiques du Sénat alertait sur le fait que la taxe carbone continuait d’augmenter, alors que le prix du pétrole à l’international grimpait en flèche, tandis que les mesures compensatoires stagnaient. Exactement une année après la publication de ce rapport, des manifestants revêtus de gilets de sécurité routière commençaient à bloquer les ronds-points partout en France… Si la hausse du prix à la pompe était majoritairement due à la hausse mondiale du prix du pétrole, la taxe carbone sans compensation, sans transparence et sans équité a mis le feu aux poudres.

En Allemagne, le gouvernement a mis en place une taxe carbone nationale depuis 2021 pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et protéger le climat. Alors que son prix augmente progressivement, la nécessité sociale d’une redistribution se fait sentir. Le mouvement Fridays For Future Allemagne en a fait une des ses principales demandes lors de la manifestation mondiale pour le climat de septembre 2023. De nombreux économistes allemands se sont prononcés en faveur de cette mesure, qu’ils estiment nécessaire pour que la tarification du carbone soit soutenable. Notamment, le président de l’Institut national pour la recherche économique a participé à la conférence de presse organisée par FFF Allemagne devant le siège de la Chancellerie fédérale pour soutenir le Klimageld.

Les récentes annonces du gouvernement allemand sur la mise en place du Klimageld semblent indiquer qu’il a appris quelques leçons des péripéties de son voisin européen.

Redistribuer les recettes de la taxe carbone directement aux citoyens est une mesure efficace, équitable et transparente. Elle est préconisée dans une lettre ouverte signée par plus de 3 500 économistes académiques dont 28 prix Nobel d’économie. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui regroupe plus de 80 organismes nationaux, a adopté à l’unanimité un avis qui préconise une mesure similaire. Elle est déjà en place au Canada, en Suisse et en Autriche. En France, une telle redistribution est le cheval de bataille de l’association Lobby Climatique Citoyen.