Le Citepa (Centre national de référence des inventaires, des projections et des expertises en matière de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre (GES)) vient de publier le bilan provisoire 2023 des émissions de GES sur le territoire français. Les secteurs de la production d’énergie et de l’industrie participent le plus à cette réduction d’émissions, suivis par les bâtiments et le transport routier. Ne boudons pas notre plaisir : une baisse de 4,8 % entre 2022 et 2023 est une excellente nouvelle. Évitons cependant le triomphalisme et analysons les causes de cette baisse, ce qui ne fait pas partie des compétences du Citepa.

Dans le secteur de l’énergie, la baisse de 14 % des émissions est due pour partie au rattrapage partiel de la productivité du nucléaire qui pourra se poursuivre en 2024 mais très peu au-delà. La deuxième cause est la progression des énergies renouvelables, thermiques et électriques, qui, elle, se prolongera dans les décennies à venir et qui devra même être accélérée.

Dans l’industrie (-8 %), la baisse est plutôt due à un recul des productions dans les secteurs énergivores, au détriment de l’activité économique. Dans le secteur du bâtiment (-6 %), la baisse est-elle due aux progrès de la rénovation des bâtiments, ce qui semble peu probable au vu des faibles résultats des rénovations globales, ou à la sobriété contrainte par le contexte de hausse de prix du gaz et de l’électricité, couplée à la douceur des mois de janvier et décembre 2023 ?

Dans le secteur des transports (-3 %), les causes sont également multiples : hausses ponctuelles de prix à la pompe, induisant une modification des comportements, et renouvellement du parc automobile, véhicules à énergies fossiles remplacés par des véhicules électriques ou hybrides. Il y a cependant un gros point noir dans les transports : l’envol des émissions de l’aérien : +21 % dans les vols domestiques et +27 % dans les vols internationaux. Les émissions de l’agriculture et des déchets ne seront disponibles qu’en juin. Il convient donc d’analyser toutes ces évolutions pour identifier celles qui sont conjoncturelles (effet prix sur les comportements, baisse de la production industrielle, etc.) de celles qui sont structurelles (développement des renouvelables, renouvellement du parc automobile, rénovation des bâtiments). Seules les mesures structurelles sont susceptibles d’engendrer des baisses d’émissions réplicables dans le futur.

En parallèle de cette annonce du Citepa, M. Attal, Premier ministre, a annoncé le lancement d’une grande consultation sur la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) et sur la version 3 de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) sous l’égide de la Commission nationale du Débat Public (CNDP). Depuis plus de 2 ans, les exercices consultatifs se multiplient. J’en ai dénombré 7, dont une concertation nationale sur le mix énergétique et une concertation publique sur la Stratégie Française Energie Climat qui a recueilli 31 000 contributions sans que personne ne sache ce qui a été retenu de ces concertations. La PPE aurait dû être approuvée par le Parlement en juillet 2023 selon les termes de la Loi Climat et Énergie de 2019. À quel horizon va nous amener cette nouvelle consultation, sur base de documents PPE et SNBC3 qui ne sont à ce jour pas publiés ? 2025 ou 2026 ? L’exécutif argumente sa procrastination en prétendant que les décisions déjà prises engendrent les baisses d’émissions mesurées par le Citepa et qu’il n’y a aucune urgence à légiférer.

Or, les 4,8 % de baisses d’émissions de CO2 sont encore insuffisants et les mesures structurelles n’en représentent probablement que la moitié. Il y a bien une urgence à mettre en œuvre de vraies mesures de lutte contre le dérèglement climatique en cohérence avec la neutralité carbone en 2050 : une réelle accélération du développement des énergies renouvelables, énergies électriques, thermiques ou gazières, un programme de rénovations performantes des bâtiments compatible avec l’objectif BBC rénovation de tous les bâtiments en 2050,  une électrification ou une décarbonation des mobilités, une décarbonation de l’industrie et une préservation des puits de carbone forestiers et agricoles. Tous ces objectifs devront être accompagnés de moyens financiers publics à la hauteur des enjeux et de la mobilisation des administrations de l’État à tous les niveaux.

Le candidat Macron avait promis dans son discours programmé à Marseille en avril 2022, il y a deux ans, que son second mandat serait écologique ou ne serait pas. Il ne vous reste que peu de temps, M. le Premier ministre, pour tenir les engagements du Président de la République. Mais, puisque vous avez décidé de lancer une nouvelle consultation publique sur ce thème prioritaire, pour les générations futures, de la stratégie climatique française, promettez-nous d’y consacrer les moyens suffisants pour qu’elle ne soit pas confisquée par quelques élites autoproclamées et que toute la population française puisse réellement s’exprimer. Promettez-nous que tous les sujets seront abordés : transition écologique socialement acceptable, lutte contre le dérèglement climatique, souveraineté énergétique, fiscalité écologique, souveraineté industrielle et préservation de la biodiversité notamment. Promettez-nous un délai de concertation et des prises de décisions subséquentes compatibles avec l’urgence climatique.

Promettez-nous de passer rapidement à l’action climatique !