Nous avons découvert que la Banque européenne d’investissement avait lancé une consultation publique pour recevoir les avis de la société. Nous nous sommes empressés de produire notre avis et de le remettre à l’institution bancaire publique.
La BEI nous a indiqué avoir reçu 177 contributions, 30 % en provenance d’ONG et 70 % des États membres.

 

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Monsieur Werner Hoyer
Président de la Banque européenne d’investissement
À Paris, le 23 avril 2020

Monsieur le Président,

Vous avez lancé un processus de consultation afin de collecter les avis des parties prenantes pour la feuille de route de la banque du climat pour la période 2021 – 2025. Nous sommes heureux de cette initiative et vous en remercions.

Notre association, Agir pour le Climat, fondée il y a 3 ans, à l’initiative du climatologue Jean Jouzel et du député européen Pierre Larrouturou, s’est donnée pour objet de faire du climat un enjeu de cohésion pour l’Europe. Elle est à l’origine du Pacte Finance-Climat visant notamment à l’instauration d’une Banque européenne du climat et de la biodiversité.

Nous sommes heureux que la Banque européenne d’investissement endosse cette fonction. Le doublement des prêts verts à l’horizon 2025 et l’arrêt du financement des énergies fossiles à l’horizon 2021 vont dans ce sens. Cela laisse augurer d’un engagement total de la BEI à l’intérieur et parallèlement au Green Deal, qui doit nous permettre d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de répondre aux objectifs de l’accord de Paris.

Les priorités de financements sont connues : rénovation thermique des bâtiments, production et stockage d’énergies renouvelables, mobilités décarbonées dont le ferroviaire, économie circulaire, agriculture territorialisée soutenable. Tous ces projets permettront à nos sociétés européennes d’être résilientes et de démontrer que nous pouvons construire un avenir européen commun.

Néanmoins, il nous semble essentiel, pour réduire le déficit de financements climat dans les pays de l’UE (au moins 260 milliards par an), de procéder à une recapitalisation de la BEI, de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros. Cette recapitalisation permettrait, chaque année, de déclencher une centaine de milliards d’euros de financements supplémentaires pour le climat, qui s’ajouteraient aux 50 milliards de nouveaux financements verts mobilisés par le doublement des prêts climat de votre institution. Elle constituerait un axe fort de relance.

La relance européenne qui fait actuellement l’objet de discussions parmi les 27 représente un risque et une chance, peut-être inédits, pour la transition écologique. Et nous croyons que la BEI y a un rôle aussi important à jouer que dans le soutien qu’elle va apporter aux entreprises confrontées à l’effondrement de leur activité.

Le 9 avril 2020, l’Eurogroupe a en effet approuvé la création d’un fonds de garantie de 25 milliards pour augmenter de 200 milliards les capacités de prêts de la BEI aux secteurs public et privé. Votre conseil d’administration a adopté cette mesure le 16 avril 2020.

Nous demandons que ces nouveaux financements ne soient pas préjudiciables à nos objectifs environnementaux, mais qu’ils les servent autant que possible. La taxonomie verte adoptée par le Parlement européen le 23 janvier 2020 doit dès à présent guider ces allocations.

Plus largement, l’attribution des prêts, que ce soit dans le cadre du soutien de l’activité, de la relance post-crise sanitaire ou de la transition écologique, devra veiller à réduire les inégalités sociales. Ces financements devront par exemple compléter les dispositifs de Transition juste décidés par la Commission européenne. Il est extrêmement important d’accompagner les territoires dont l’emploi sera le plus affecté par la transition vers une économie neutre en carbone.

Nous demandons également que les prêts aux organismes publics des membres de l’Union européenne soient assujettis à un respect scrupuleux des règles démocratiques, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la justice et de la presse. Nous souhaitons un soutien direct de la BEI vers les régions et les petits projets. Nous préconisons un renforcement des liens entre la BEI et les banques publiques d’investissement nationales.

Les biens communs (santé, culture, environnement) et l’intérêt public devront être prioritaires. La crise sanitaire du Covid-19 nous montre ô combien il est urgent de réinvestir dans les domaines devant relever de la puissance publique, le désengagement de nos états européens du domaine de la santé est actuellement gravement préjudiciable.

Pour le secteur privé, les entreprises qui bénéficieront d’aides conjoncturelles d’atténuation des dommages économiques de la crise sanitaire s’engageront à ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires et des primes à leurs dirigeants.

Il nous apparaît enfin nécessaire de créer avec les ONG un comité de surveillance et d’évaluation de l’usage et de l’efficacité réels des financements de la BEI sur le terrain. Cet outil permettra une amélioration continue de votre institution pour qu’elle devienne véritablement la Banque européenne du climat et de la biodiversité que nous appelons tous de nos vœux et dont l’Europe a plus que jamais besoin.

Aussi, vous l’aurez compris, nous comptons sur vous pour que la Banque européenne d’investissement soit réellement la Banque du climat et de la biodiversité.

Le président
Philippe Lecarpentier