Le 23 janvier 2020, la Banque centrale européenne lançait une revue stratégique, chargée d’apporter une nouvelle définition de la cible d’inflation, de débattre sur les outils de politique monétaire les plus adaptés pour l’atteindre et de présenter un calendrier de mesures visant à favoriser le verdissement du système financier et de la politique monétaire. 

La revue stratégique détermine les fondamentaux de la politique monétaire, c’est à dire gérer la quantité et le prix de la liquidité dans la zone euro, de manière à atteindre les objectifs, selon l’article 282 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,  de niveau des prix, de taux d’intérêt, de stabilisation de la production de biens et de services, de taux de change et de stabilité financière. 

Sans modification des traités, la lutte contre le dérèglement climatique ne figure pas parmi les objectifs de la Banque centrale européenne. Toutefois, en raison des conséquences de ce dernier sur le mandat de la BCE, notamment sur la stabilité financière, la revue stratégique “reconnaît [désormais]la nécessité de continuer à intégrer les questions climatiques dans son cadre de politique monétaire, dans les limites de son mandat.” 

Pour ce faire, la revue stratégique fixe un calendrier destiné à limiter l’émission de gaz à effet de serre dans le respect des accords de Paris ainsi que les effets de l’activité humaine sur la biodiversité. La politique monétaire favorise d’abord la transition écologique par l’achat dans le cadre du programme d’achat de titres publics (PSPP) d’obligations souveraines qui peuvent financer les dépenses publiques favorables à l’environnement, mais aussi par l’achat dans le cadre du programme d’achat de titres de sociétés (CSPP) qui permettent de financer des entreprises investies dans la transition écologique. 

La revue stratégique donne une nouvelle impulsion au verdissement de la politique monétaire. La Banque centrale va approfondir ses modélisations des effets du changement climatique sur les économies européennes (stress-test bancaire climatique), apporter davantage de transparence pour les contreparties qu’elle exige des banques en échange de leur financement (collatéral, achats de titres) et standardiser ses données en matière de durabilité des entreprises et de taxonomie verte. L’objectif est de décarboner progressivement le bilan de la BCE (7000 milliards d’euros, soit environ 60% du PIB de la zone euro), en réduisant son soutien aux activités émettrices de gaz à effet de serre. 

Pour la Banque centrale européenne, l’enjeu est moins de s’engager davantage dans le financement de la transition énergétique (25% de la dette publique de la zone euro est déjà détenue par la BCE, soit environ 2400 milliards d’euros) que de réduire son exposition au risque climatique. Pour le gouverneur de la Banque de France, comme indiqué dans sa lettre au président de la République, il s’agit de calibrer les outils de politique monétaire, afin de faire du verdissement un enjeu transversal à toutes les activités monétaires, plutôt que de favoriser un financement direct de la transition écologique, déjà mis en oeuvre, dans le respect des traités, par le rachat des titres de dette publique.

Pour certains auteurs, comme Gaël Giraud et al (2021), “la revue monétaire de l’immobilisme” empêche d’agir aussi rapidement que l’urgence climatique le réclame contre le dérèglement climatique. 

La Banque centrale agit dans le cadre du mandat qui lui a été fixé par les Etats membres de l’Union européenne. Or, des formes d’intervention plus poussées en faveur de la transition énergétique, comme l’annulation conditionnelle ou la monétisation systématique des dettes publiques sont en contradiction avec le traité (interdiction du financement monétaire à l’article 123 du TFUE, et décision C‑589/15P de la Cour de justice de l’Union européenne sur l’annulation de la dette), et une telle modification ne fait aujourd’hui pas l’unanimité parmi les Etats associés de l’Union. De plus, affaiblir l’indépendance de la Banque centrale en modifiant son traité viendrait diminuer sa crédibilité, affectant directement l’efficacité de sa politique monétaire, et donc de ses opérations de verdissement du système financier (Alesina et Summer 1993).