L’année 2022 a peut-être marqué un tournant décisif dans la lutte contre le dérèglement climatique. Si, malheureusement, les émissions mondiales de CO2 ont continué à augmenter, + 0,9 % selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), elles se sont nettement découplées de la croissance du PIB mondial qui fut de 3,2 %.

La forte augmentation des Energies Renouvelables (EnR) a limité les effets de substitution du gaz par le charbon, très émetteur, dus aux prix élevés du gaz, conséquence de la guerre en Ukraine. En 2022, 90 % du surcroît de production d’électricité dans le monde ont été assurés par l’éolien et le solaire, + 275 TWh chacun, soit 550 TWh au total, sur la production de 27 000 TWh.

Au niveau de l’Union Européenne, le bilan est encore meilleur : baisse de 2,5 % des émissions de CO2 malgré la contre-performance de l’hydroélectricité, due à une mauvaise pluviométrie, et du nucléaire français, plombé par des problèmes de corrosion, et malgré la hausse de la contribution du charbon, due une fois encore au conflit russo-ukrainien. L’éolien et le solaire expliquent ces bons résultats européens.

Production d'électricité dans l'UE par sources, 2000-2021, TWh

Production d’électricité dans l’UE par sources, 2000-2021, TWh
Source : données EMBER, disponibles sur https://ember-climate.org, consulté le 19 novembre 2022

Ce dynamisme des énergies renouvelables se trouve seulement, hélas, dans le secteur de l’électricité qui ne représente que 17 % de la consommation d’énergie dans le monde, 25 % en France. Il est donc indispensable d’intensifier les efforts sur les autres secteurs, notamment en améliorant fortement l’efficacité énergétique dans les transports, l’industrie et le bâtiment. Ce dernier secteur est le principal cheval de bataille d’Agir pour le climat depuis plusieurs années. La crise énergétique de 2022 qui a touché notre pays a créé un contexte favorable pour contribuer à motiver les autorités publiques et les acteurs du bâtiment. Notre dépendance aux énergies fossiles a coûté 115 milliards d’euros à notre balance commerciale en 2022, malgré une diminution de la consommation d’énergie la plus marquée depuis des décennies. Celle-ci est en effet passée de 1 752 TWh en 2021 à 1 676 TWh en 2022, soit 4 % de diminution. Il s’agit là d’un effet du signal prix sur l’énergie qui a incité beaucoup de consommateurs à la sobriété malgré la mise en place des boucliers tarifaires, qui, non ciblés sur les ménages les plus précaires et les PME, coûtent extrêmement cher au budget de l’État, donc à nous, contribuables : estimation de 55 milliards d’euros sur les deux années 2022 et 2023.

Quelles perspectives pour les années à venir ?

Le think tank britannique Ember, comme l’AIE, estiment que 2022 a été dans le secteur de l’électricité l’année du pic des énergies fossiles dans le monde et que, dès 2023, leur décroissance devrait être observée, à l’instar de celle déjà constatée dans l’Union Européenne.

Wind and solar hit 12% of global power

Source : Annual electricity data, EMBER – Data for 2023-2026 are based on Ember’s projection

La croissance de la consommation d’électricité mondiale devrait continuer en 2023 mais être inférieure à la croissance des énergies propres et permettre une diminution de la production d’électricité à partir de charbon : – 47 TWh en 2023. L’AIE estime que l’électricité renouvelable qui représentait 28 % de la production en 2020 passera à 38 % en 2027, c’est-à-dire demain.

Nous sommes donc en face de perspectives très positives qu’il s’agit d’amplifier en favorisant l’électrification des usages de l’énergie et en permettant le déploiement des énergies renouvelables dans les réseaux électriques. Pour cela, il est impératif de réduire les délais des procédures d’autorisation et de développer les dispositifs permettant la flexibilité du système électrique pour accueillir ces énergies variables.

Néanmoins, il ne faudrait pas penser que l’électrification des usages est la solution miracle universelle. Tant dans le secteur du bâtiment, des transports que de l’industrie, l’intensification de l’efficacité énergétique couplée aux énergies de la nature, bioénergies, géothermie ou solaire thermique, demeure un axe essentiel pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La future Loi de Programmation Energie Climat qui sera débattue au second semestre de cette année devra apporter des réponses concrètes à ces défis qui sont de taille mais totalement à notre portée.