Dans son rapport consacré au prix du carbone, paru en 2021, l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) souligne qu’une hausse du prix du carbone de 1 euro par tonne de CO2 entraîne à terme une baisse de 0,73% des émissions de CO2 d’une économie. La fiscalité du carbone est donc un instrument essentiel de lutte contre le dérèglement climatique.

La fiscalité du carbone consiste à imposer une taxe par tonne de CO2 émise dans l’atmosphère. Le produit des taxes environnementales est égal à 2,3% du produit intérieur brut (PIB) en France en 2019 pour une moyenne de 2,4% dans l’Union européenne. La fiscalité du carbone est une sous-composante de la fiscalité environnementale. 

La fiscalité du carbone est régressive, c’est-à-dire qu’elle taxe relativement une plus grande part du revenu des ménages les plus pauvres que celle des ménages les plus riches. En effet, les ménages du premier quintile le plus pauvre accordent 4,5% de leur revenu total annuel en fiscalité énergétique, contre 1,3% en moyenne pour les ménages du dernier quintile le plus riche (PLF 2021, 2020)

La trajectoire d’augmentation de la fiscalité carbone, et en particulier celle relative à la contribution climat de la taxe intérieure sur les produits de consommation des produits énergétiques (TICPE), est interrompue en France depuis le mouvement social des gilets jaunes de 2018 et de 2019 de protestation contre l’augmentation du prix à la pompe.

La fiscalité sur le carbone est une fiscalité comportementale, qui incite les agents économiques à changer leurs comportements (incitation des ménages, par exemple, à se rapprocher de leur lieu de travail, ou des entreprises à renouveler leur flotte de véhicule afin de la rendre moins émettrice de carbone), elle implique donc à terme et vise donc à une réduction de l’assiette des taxes. L’objectif de rendement budgétaire consiste à aider au financement de la transition écologique et aux dépenses des collectivités publiques.

En France, en 2019, la fiscalité environnementale présente un rendement budgétaire de 46 milliards d’euros (CPO, 2019) pour près de 56 instruments fiscaux. Le principal relève directement de la fiscalité du carbone, c’est-à-dire la composante carbone de la TICPE, pour 31 milliards d’euros. 

Dans l’Union européenne, la fiscalité carbone comprend également le système d’échange des quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE), mis en place en 2005, présente un prix du CO2 de 45 euros par tonne, et ne couvre que 45% des émissions produites par les entreprises de l’espace économique européen. Le SEQE souffre d’une assiette insuffisamment large, c’est-à-dire qu’elle ne couvre pas tous les secteurs d’activités émetteurs de CO2 et d’un volume de quotas trop élevé, conduisant à un prix du carbone trop faible pour inciter les entreprises à d’adapter leur modèle économique (Commission européenne, 2020). Les systèmes d’échanges mondiaux de quota d’émission ne couvrent que 22% des émissions mondiales de CO2 (Banque mondiale, 2020).

Le gel prolongé de la fiscalité carbone française de la TICPE à son niveau de 2019, soit 44,6 euros la tonne de CO2 ne permet pas d’obtenir une baisse suffisante du niveau d’émissions pour parvenir à l’objectif de réduction de 40% des émissions en 2030 par rapport à 1990. Il permet d’obtenir au mieux une baisse d’environ 25%. Il faut viser environ 250 euros la tonne de CO2 (QUINET, 2019).

Dès lors, les pouvoirs publics doivent parvenir à relancer la trajectoire d’augmentation de la fiscalité sur le carbone tout en atténuant son caractère régressif sur les ménages les plus pauvres. 

Dans un ordre de faisabilité, la première perspective d’amélioration de la fiscalité carbone consiste d’abord à élargir son assiette, en réduisant le volume considérable de dépenses fiscales (ou exonérations fiscales, par exemple celui sur le carburant du transport aérien) qui s’élèvent à près de 13 milliards d’euros, soit le double des exonérations qui sont pensées pour favoriser l’environnement (OCDE, 2013, concept de « fiscalité noire »). 

La seconde perspective est de diminuer le nombre de quotas du SEQE et de l’étendre à un plus grand nombre de secteurs d’activités afin d’atteindre à un prix du carbone qui corresponde réellement aux efforts requis pour la neutralité carbone en 2050. La Commission européenne s’est engagée à entreprendre des travaux en ce sens à partir de juillet 2021 (élargissement aux transports maritimes et aériens, second marché pour le chauffage des bâtiments et le transport) (Commission, 2020), mais la présidence française de l’Union européenne à partir de janvier 2022 est l’occasion de renforcer l’impulsion autour de ce projet. L’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne permettrai de taxer les produits importés au sein de l’espace économique depuis l’extérieur, afin de ne pas pénaliser seulement les producteurs européens avec le SEQE (Direction générale du Trésor, 2020)

La dernière perspective est de relancer la fiscalité carbone nationale, en atténuant la dégressivité sur les ménages les plus pauvres, tout en augmentant la valeur carbone de la TICPE. La mise en œuvre d’un mécanisme de compensation permet d’accompagner les ménages modestes vers l’effort de transition énergétique et écologique, avec une composante dégressive en fonction du revenu, et une seconde composante variable sur la base du lieu d’habitation ou la mobilité contrainte par l’octroi de chèques-climat (CAE, Une taxe juste pour le climat, pas juste une taxe, 2019). La trajectoire d’augmentation proposée est de 25 euros par an, pour atteindre la valeur de 250 euros la tonne de CO2 en 2030.