La consommation de chaleur et de froid représente en France 44 % de la consommation d’énergie. Créé en 2007, lors du Grenelle de l’Environnement, le Fonds Chaleur vise à subventionner le développement du renouvelable thermique. Dans une analyse, la Cour des comptes estime qu’il s’agit d’un outil particulièrement efficace de lutte contre le changement climatique. Pour quelles raisons ? Et quels enseignements en tirer pour les autres programmes ?

Le Fonds Chaleur est issu des travaux du Grenelle de l’Environnement (2007) qui préconisait d’augmenter la part des énergies renouvelables de 20 Mtep à l’horizon 2020. Le rapport du Comité opérationnel énergies renouvelables, mis en place à la suite du Grenelle, formulait les recommandations suivantes :

“La création d’un Fonds Chaleur renouvelable vise à apporter aux entreprises et aux collectivités la visibilité sur les aides financières qui doivent permettre d’assurer une rentabilité normale aux projets de valorisation thermique d’énergies renouvelables.  Son rôle est de pouvoir financer les projets de développement de chaleur renouvelable dans les secteurs de l’habitat collectif, du tertiaire et de l’industrie qui compte pour environ 5,5 Mtep dans l’objectif 2020, soit plus de 25 % de cet objectif. Le principe régissant le calcul des aides sera de permettre à la chaleur renouvelable d’être vendue à un prix inférieur d’au moins 5 % à celui de la chaleur produite à partir d’énergie conventionnelle. Le montant de ce Fonds Chaleur renouvelable est estimé à 175 M€ pour 2009 et montera progressivement pour atteindre 500 M€ en 2012 et 800 M€ en 2020 pour respecter les objectifs 2012 et 2020.”

15 ans après, où en est-on ?

Si le scénario budgétaire n’a jamais été respecté, les 800 M€/an ne sont atteints qu’en 2024, l’État a néanmoins engagé, entre 2009 et 2023, 4 300 M€ en y incluant les programmes BCIAT (Biomasse, Chaleur, Industrie, Agriculture et Tertiaire) et BCIB (Biomasse Chaleur pour l’Industrie du Bois) qui visent des secteurs spécifiques (industrie, tertiaire) et sont financés par le programme France 2030, mais gérés par l’ADEME.

Ces financements ont généré une substitution de 51,5 TWh/an d’énergies fossiles par les énergies renouvelables, soit 4,4 Mtep, proche de l’objectif ciblé par le Grenelle avec des moyens financiers insuffisants. L’aide de l’État s’est établie en moyenne à 8,3 €/MWh soit 37,3 €/TCO2 évitée, bien inférieur au prix du carbone donné par le marché européen du CO2.

Ces réalisations concrètes confirment le diagnostic de la Cour des comptes : le Fonds Chaleur est un outil très efficace de lutte contre le changement climatique, probablement le plus performant que l’État a mis en place depuis 15 ans. Il répond de plus à un autre objectif qui est celui de juguler la précarité énergétique. En effet, il a permis l’extension des réseaux de chaleur qui comptaient environ 3 000 km en 2009 et en sont maintenant à plus de 7 000 km. Ces réseaux de chaleur approvisionnent principalement des logements sociaux et contribuent donc à assurer à un public à revenu modéré, voire faible, une énergie à un prix compétitif et stable.

Il est cependant insuffisamment doté budgétairement : en 2023, l’ADEME a pu engager 600 M€ de subventions mais a dû en reporter 200 M€ sur 2024, faute du budget disponible. Tout laisse à penser qu’en 2024 le budget rehaussé à 800 M€ sera largement insuffisant pour faire face à une demande grandissante. Rappelons que la consommation de chaleur et de froid représente en France 44 % de la consommation d’énergie et qu’en 2022, les énergies renouvelables ne répondaient qu’à 27 % de ces besoins. L’État doit donc intensifier son effort dans ce secteur essentiel qui dépend aujourd’hui majoritairement d’énergies fossiles importées.

Les raisons de ce succès ?

Elles tiennent en quelques mots : concertation, compétences, territorialisation et stabilité des procédures, même si ces dernières ont évolué régulièrement.

L’outil Fonds Chaleur est issu des réflexions du Comité opérationnel énergies renouvelables du Grenelle de l’Environnement qui a rassemblé toutes les parties prenantes, État, ADEME, collectivités, associations professionnelles, associations environnementales pendant 6 mois. Sa mise en œuvre a été attribuée à l’ADEME qui en avait de longue date la compétence mais sur une dimension largement inférieure aux objectifs. Celle-ci s’est immédiatement organisée en équipe projet réunissant les directions nationales et les directions régionales. Ces dernières ont permis d’organiser rapidement la territorialisation du Fonds Chaleur, dans un premier temps avec les Conseils régionaux, et plus tard à d’autres niveaux de collectivités territoriales.

Les premières procédures d’évaluation des projets ont été élaborées entre les services de l’ADEME et les représentants des organisations professionnelles. Ces procédures ont régulièrement fait l’objet d’ajustements dans le cadre d’une concertation entre “Partenaires du Fonds Chaleur”, sans jamais abandonner les principes initiaux.

La progression régulière du Fonds Chaleur, certes insuffisante, a permis aux acteurs professionnels et aux collectivités d’assurer la formation de leurs personnels : connaissance des gisements de biomasse ou de solaire, géothermie, méthanisation, préservation de la qualité de l’air, notamment.

Cette réussite peut-elle être étendue à d’autres programmes ?

L’ambitieux programme de rénovation des logements peut utilement s’inspirer de cette réussite en reprenant les maîtres mots du Fonds Chaleur : concertation, compétences, territorialisation et stabilité des procédures.

L’Anah, incontestable maître d’ouvrage de ce programme, qui a bien compris l’importance de la territorialisation, peut s’appuyer sur la compétence et l’expérience de l’ADEME. Au contraire de l’histoire du Fonds Chaleur, le grand défi repose sur la nécessaire rapidité de la montée en compétence du secteur professionnel à la rénovation globale et performante des logements. Cette rénovation est plus complexe que la production de chaleur renouvelable, vu la multiplicité des cas particuliers et les montages financiers plus difficiles à mettre en œuvre.

Il y a cependant beaucoup d’enseignements du Fonds Chaleur qui peuvent être appliqués, notamment l’évaluation annuelle des résultats tant en termes de diminution des émissions de gaz à effet de serre qu’en réduction des consommation d’énergie et lutte contre la précarité énergétique.