Comme je le soulignais suite au discours de politique générale de Gabriel Attal, la lutte contre le dérèglement climatique semble loin d’être une priorité pour l’actuel gouvernement. L’actualité récente le démontre une nouvelle fois.

C’est lorsqu’il s’agit de faire des économies que l’on voit apparaître clairement les priorités ou plutôt les non priorités. Sur les 10 milliards d’euros de réduction du budget, l’écologie est clairement ciblée avec la diminution du Fonds vert et, surtout, la suppression d’1 milliard d’euros sur Ma Prime Rénov qui étaient destinés à la rénovation énergétique des logements. Aux oubliettes le pouvoir d’achat des occupants de logements énergivores et l’objectif d’un parc de logements basse consommation en 2050. Aux oubliettes les objectifs de décarbonation de l’économie française.

Dans la continuité de cette logique, Messieurs les ministres, vous évoquez très clairement le projet de réformer l’instrument, le DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) qui permet de mesurer la performance énergétique et environnementale des logements. Vous commencez par proposer de réformer le DPE pour les petits logements de moins de 40 m2, la première aberration : rien ne sert de modifier les règles de calcul du DPE des petits logements car la consommation excessive de ceux-ci est une réalité, notamment due à la production d’Eau Chaude Sanitaire (ECS) peu optimisée (75 à 80 % de pertes conduisant à des consommations bien réelles de 100 kWhep/m2/an). Cela ne servira qu’à “verdir” statistiquement le parc de logements sans modifier les dépenses des ménages, ni réduire leur précarité énergétique. Les solutions existent, peu chères au niveau individuel, mais l’optimum serait de rénover les immeubles en copropriétés où se trouvent l’essentiel de ces petits logements. Ce serait réaliste et rentable à tous les points de vue.

Ensuite, vous étudiez le remplacement dans le DPE de la consommation en énergie primaire par la consommation en énergie finale, ce qui, pour le chauffage électrique par effet Joule, revient à diviser cette consommation par 2,3. Vous ne manquez pas de cohérence. Cette réforme, également statistique, sous la pression du lobby de l’immobilier, vise à sortir du statut de “passoires thermiques” 500 000 logements à l’horizon 2025, et plus encore en 2028, par un coup de baguette magique sans que la facture des occupants soit réduite, ni que leur confort soit amélioré. Vous allez favoriser la vente de pull-over à col roulé. La contribution du bâtiment à la décarbonation n’aura pas avancé d’un centimètre. Elle pourrait même devenir négative si cette réforme incitait les occupants ou les propriétaires de passoires thermiques à convertir leur mode de chauffage par combustibles (fioul, gaz, mais aussi biogaz et biomasse), en chauffage électrique par effet Joule. Ce serait logique puisque cela permettrait aux propriétaires de gagner une ou plusieurs classes dans le DPE, sans avoir à optimiser l’isolation de leur bâti.

Cette conversion aurait pour conséquence directe d’augmenter la pointe de demande électrique hivernale qui ne pourrait à court terme être satisfaite que par des centrales fossiles émettrices de CO2 ou des importations d’électricité tout aussi carbonée. Cette augmentation de la pointe hivernale serait bien supérieure aux 6 GW prévus par RTE dans les scénarios actuels. Les premières évaluations sont de 20 GW, voire plus. Cette conversion provoquerait aussi l’arrêt du développement de chauffage à la biomasse et des pompes à chaleur puisqu’il n’y aurait plus aucune incitation réglementaire à améliorer la classe énergétique d’un logement. Pour rappel, la filière du chauffage au bois dans le secteur domestique mobilise 30 000 emplois directs. Voulez-vous la mettre en péril ?

Vous affichez l’ambition de développer un marché d’un million de pompes à chaleur par an et la filière industrielle qui en découle. Portez-vous toujours cette ambition ? Qu’en pensez-vous, M. Lescure, vous qui êtes également ministre de l’Industrie ?

En résumé, Messieurs les ministres, vos coupes budgétaires et vos propositions de révision du DPE sacrifient les objectifs sociaux, climatiques et industriels de la Stratégie française énergie climat, patiemment élaborée par vos administrations et le Secrétariat général à la planification écologique en concertation avec les opérateurs de l’État, les associations professionnelles et les associations environnementales. Il est encore temps de revenir à la raison.