Alors que la transition énergétique s’accélère, les réseaux de chaleur s’imposent comme un levier concret pour les collectivités. Maintenu à 800 millions d’euros en 2025, le Fonds Chaleur de l’ADEME continue de soutenir leur développement, mais des élus et experts appellent à un renforcement de ce budget pour accompagner pleinement la décarbonation et l’autonomie énergétique des territoires.

Les réseaux de chaleur constituent un outil efficace au service de la réduction des émissions de CO2, de l’indépendance énergétique du pays et du porte-monnaie des ménages

Rappelons-nous. L’hiver 2022-2023 a vu, au début de la guerre en Ukraine, les prix de l’énergie exploser, notamment pour les particuliers. On a pu mesurer, à cette période, toute la pertinence des réseaux de chaleur. En effet, les habitants de quartiers alimentés en chaleur par les réseaux urbains ont été beaucoup moins touchés que le reste de la population par l’augmentation des prix de l’énergie. En effet, les ressources utilisées – il s’agit de plus en plus d’énergies renouvelables ou de récupération – pour produire de la chaleur dans les réseaux proviennent, presque exclusivement du territoire où ils sont installés : biomasse, solaire, biogaz, géothermie, énergies de récupération(1), de quoi se protéger contre la variation des prix du gaz et du pétrole engendrée par les crises internationales, mais également de quoi réduire les émissions de CO2 du parc de logements et accroître l’indépendance énergétique du pays.

Grâce à leur efficacité énergétique, à leur capacité à intégrer les énergies renouvelables et à leur contribution à l’économie circulaire, puisqu’ils utilisent des énergies locales, les réseaux de chaleur constituent un outil économique puissant pour les collectivités engagées dans la transition énergétique. Ils permettent d’atteindre jusqu’à 25 % de gains potentiels sur la facture énergétique des usagers.

Un réseau de chaleur délivre aux bâtiments raccordés du chauffage, de l’eau chaude sanitaire et, dans certains cas, du froid pour la climatisation

En 2023, notre pays comptait près de 1 000 réseaux de chaleur étendus sur 7 515 kilomètres. Souvent situés en zone urbaine dense, ils ont alimenté près de 50 000 sites différents pour un total de 26,1 TWh de chaleur livrée aux utilisateurs finaux.

Il existe des réseaux de toute dimension. Le plus petit est probablement celui de Vallorcine, une commune forestière de 430 habitants hors saison, mais dont la population peut monter à 2 500 âmes lors des vacances d’hiver et d’été, située sur la route qui mène de Chamonix à Martigny dans le Valais. 

Inaugurée en 2012, la boucle primaire d’eau chaude mesure 1,2 km. Le réseau est essentiellement alimenté par des plaquettes de bois d’origine forestière (plus de 80 %), mais aussi du bois forestier local, des chutes de scieries, du bois d’emballage (vieilles palettes par exemple) et un peu de granulés. Il dessert, à l’époque, l’école, la salle des fêtes, l’office du tourisme, la salle polyvalente, l’ancien bâtiment des douanes transformé en logements sociaux, avec sa crèche, et enfin une résidence de tourisme de 98 studios avec piscine et restaurant. Depuis, dans le cadre des “zones d’accélération des énergies renouvelables(2)”, la commune projette de développer son réseau.

Le plus grand réseau de chaleur de France est celui de Paris. Actuellement administré par la CPCU (Compagnie parisienne de chauffage urbain), il sillonne désormais Paris sur 530 km et assure le chauffage d’un quart des bâtiments de la capitale. Il alimente également en énergie 16 réseaux de chaleur de la métropole. “40 % de la chaleur distribuée par la CPCU est issue de la valorisation énergétique des déchets ménagers car à l’idéalisme d’un monde sans aucun déchet, nous préférons le pragmatisme et la pérennité de la récupération d’énergie au bénéfice du réseau de chaleur” explique Géraldine Brissiaud, Directrice générale de la CPCU.  

Unique mode de chauffage collectif à Paris, le réseau de chauffage utilise aujourd’hui 50 % d’énergies renouvelables et de récupération et s’est fixé l’objectif d’un mix énergétique totalement décarboné à l’horizon 2050.

Le Fonds Chaleur de l’ADEME : un outil précieux au service des collectivités pour développer leurs réseaux de chaleur

Le Fonds Chaleur de l’ADEME a été lancé en 2009 suite au Grenelle de l’environnement. Il s’agit d’un outil de financement des projets de production de chaleur à partir d’énergies renouvelables et de récupération ainsi que des réseaux de chaleur liés à ces installations. Ce fonds vise à soutenir les projets de création de réseaux de chaleur et d’installations de production de chaleur renouvelable. Les aides émanant de ce fonds soutiennent les réseaux de distribution, les installations de production de chaleur et de froid renouvelables et de récupération afin d’alimenter habitats collectifs, collectivités et entreprises.

Cet outil est à la disposition des collectivités locales. Nombre d’entre elles s’en sont déjà emparé depuis plusieurs années au profit de leurs territoires et de leurs habitants parmi lesquelles les villes et métropoles de Rennes et de Grenoble, la communauté urbaine de Dunkerque, la ville d’Épinal, celle de Dijon…

Depuis 16 ans, le Fonds Chaleur a permis d’aider plus de 10 000 installations d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) dont 4 550 km de réseaux de distribution grâce à 5,1 milliards d’euros d’aides, ayant généré près de 16 milliards d’euros d’investissements. Cela représente près de 50 TWh/an de production additionnelle d’EnR&R, équivalent de la consommation de chaleur d’environ 5 millions de logements, et environ 2,5 Md€/an d’économie sur la balance commerciale (en comparaison du gaz qu’il aurait fallu importer pour produire cette chaleur en l’absence de ces projets). 

En 2024, le Fonds Chaleur, qui vise notamment à soutenir les projets de création de réseaux de chaleur et d’installations de production de chaleur renouvelable, avec un budget porté à 820 M€, a financé près de 1 350 nouvelles installations, initiées par les collectivités et les entreprises. Les projets ayant bénéficié des aides à l’investissement du Fonds Chaleur 2024 permettront de produire 3,6 TWh/an de chaleur renouvelable et de récupération additionnelle. C’est la biomasse énergie qui contribue le plus à cette production de chaleur (68 %), suivie de la géothermie (16 %) puis de la récupération de chaleur fatale (8 %), la méthanisation (8 %) et le solaire (0,3 %). Les émissions annuelles évitées par ces nouvelles installations s’élèvent à environ 805 750 tCO2/an.

En 2024 a été systématisée à tout le territoire la démarche EnR’Choix, consistant à prioriser, dès que cela est possible, la récupération de chaleur fatale, puis la géothermie et le solaire thermique, enfin le recours à la biomasse.

Pour poursuivre le déploiement de la chaleur renouvelable, l’État a conforté le Fonds Chaleur avec un budget de 800 M€ pour 2025, déjà entièrement engagé par l’ADEME. Les conditions d’éligibilité et de financement ont également été modifiées de façon à permettre d’aider un maximum de projets.

Par ailleurs, compte tenu des enjeux sur la disponibilité de la ressource en biomasse et en particulier de tensions sur les plaquettes forestières dans certaines régions, une démarche de priorisation de certaines ressources a été entreprise : accélération du déploiement de la géothermie profonde et de surface, plan d’action pour le développement du solaire thermique, récupération de chaleur fatale industrielle. 

À ce jour, dans le projet de loi de finances 2026, le montant du budget du Fonds Chaleur est maintenu à 800 M€. Compte-tenu de son efficience, de nombreux experts et élus souhaiteraient le voir augmenté d’autant plus que le portefeuille de projets est actuellement estimé à 1,6 milliard d’euros de demande de subvention.

(1) Il s’agit de valorisation de l’énergie thermique des unités d’incinération des ordures ménagères ou des chaleurs fatales issues de procédés industriels ou de data centers.

(2)  La loi pour l’accélération de la production d’énergies renouvelables, publiée le 10 mars 2023, prévoit de mettre en place des zones d’accélération sur le territoire. Pour ce faire, l’État a mis à disposition des communes et du public un outil cartographique permettant d’obtenir des informations sur le développement des énergies renouvelables sur le territoire.