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ÉCOLOGIE

Climat : encore une petite chance d’empêcher la catastrophe

Publié le 28/11/2018 à 12h36 – Modifié le 28/11/2018 à 15h10 Olivier Nouaillas

 © PHILIPPE DESMAZES/AFP

© PHILIPPE DESMAZES/AFP

À la veille de l’ouverture de la Cop 24 à Katowice, en Pologne, les mauvaises nouvelles s’accumulent. Pourtant, il est toujours possible d’agir, affirment la plupart des scientifiques. Mais il faut faire vite.

Hausse record des émissions des gaz à effet de serre, publication d’une étude scientifique sur le chaos climatique, retrait annoncé des États-Unis par Donald Trump de l’accord de Paris sur le climat et retrait probable du Brésil de Jair Bolsonaro… À la veille de l’ouverture de la Cop 24, qui doit réunir du 3 au 14 décembre à Katowice, en Pologne, les délégués de 195 pays, les mauvaises nouvelles s’accumulent. Au risque de renforcer l’idée que le changement climatique serait devenu inévitable. Et que « gilets jaunes » ou pas, « taxe carbone » ou pas, cela ne servirait plus à grand-chose d’engager une transition écologique et de changer nos modes de vie…

« Autour de moi, je vois effectivement une forme de lassitude, et parfois de résignation, reconnaît Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail sur les sciences du climat du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Pourtant, en dépit de toutes les théories sur l’effondrement que l’on voit fleurir, notre dernier rapport, celui sur les conséquences d’un réchauffement limité à 1,5°C, montre clairement qu’il est encore temps d’agir. Avec deux réserves : le temps nous est compté et l’ampleur des changements à accomplir est sans précédent. »

Des contributions insuffisantes

L’accord signé à Paris en décembre 2015, à l’issue de la Cop 21, prévoyait que les 195 pays signataires s’engagent à contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C, si possible à 1,5°C, seuil ajouté par les petits États insulaires (Maldives, -Kiribati, Tuvalu) directement menacés par l’élévation du niveau de la mer. Pour y arriver, les signataires doivent publier leurs contributions nationales de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (NDC, comme Nationally Determined Contributions) avant 2020. Or, pour le moment, le compte n’y est pas. De l’avis des experts du Giec, les NDC déclarées aux Nations unies nous mettent sur une trajectoire de réchauffement de 3°C, voire de 4°C pour 2100.

Tout aussi inquiétant : alors que les émissions mondiales de gaz à effet de serre avaient stagné en 2015 et 2016, elles sont reparties à la hausse depuis 2017, et ce, dans pratiquement tous les grands pays ou continents (Chine, Inde, Russie, Europe, dont la France). Ainsi, le dernier rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a indiqué que les concentrations de dioxyde de carbone (CO2) avaient atteint 405,5 parties par million (ppm) dans l’atmosphère. Or, précise l’OMM,« la dernière fois que la Terre a connu une teneur en CO2 comparable, c’était il y a 3 à 5 millions d’années : la température était de 2 à 3°C plus élevée et le niveau de la mer était supérieur de 10 à 20 mètres par rapport au niveau actuel ».

Une bonne nouvelle

Jean Jouzel, le célèbre climatologue français, ancien vice-président du groupe scientifique du Giec, résume ainsi l’enjeu de la Cop 24 à Katowice : « Ou bien tous les pays rehaussent leurs ambitions, ou bien ce sera la débandade. Pour la première hypothèse, le dialogue Talanoa – une méthode de travail consensuelle venue des îles du Pacifique (voir La Vie du 23 novembre 2017, ndlr) et retenue par les Nations unies et la précédente Cop – doit nous y aider. Et après la Cop 24, il nous restera un an avant l’entrée en application de l’accord de Paris. C’est donc encore possible si tout le monde – Onu, États, villes, entreprises, société civile – pousse dans le même sens. »Jean Jouzel est également, avec l’économiste Pierre Larrouturou, le promoteur du Pacte finance-climat européen, dont l’objet a pour but de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre, tout en créant cinq millions d’emplois dans la transition énergétique et écologique. Tous deux ont l’habitude de résumer ce projet par cette formule choc : « En 2008, pour sauver les banques, on a mis 1000 milliards d’euros. Aujourd’hui, qu’est-ce qui nous empêche de mettre 1000 milliards pour sauver le climat ? »

Limiter le réchauffement à 1,5°C, et même 2°C, est-ce encore possible ? 

C’était précisément le thème d’un colloque scientifique organisé à Paris fin novembre par Météo et Climat, l’association que préside Jean Jouzel. Or, la quasi-totalité des participants ont répondu « oui ». Le plus convaincant fut Roland Séférian, climatologue de Météo France à Toulouse et un des rédacteurs de la partie « budget carbone » du dernier rapport du Giec.« La bonne nouvelle, et il y en a peu, confie-t-il,c’est que si on estime à 2200 milliards de tonnes de CO2 la limite qu’il ne faut pas dépasser dans l’atmosphère pour rester en dessous des 1,5°C, il nous reste aujourd’hui un budget carbone de 580 milliards de tonnes de CO2 à émettre, soit le double évoqué lors de notre précédent rapport. » Cette différence s’explique surtout par le fait que les systèmes de modulation climatologique se sont affinés. « En sachant, -poursuit-il, que nous émettons 40 milliards de tonnes de CO2 par an, cela veut dire qu’il nous reste environ une quinzaine d’années pour agir. » Soit une date de bascule autour de 2030, qu’évoquait précisément le dernier rapport du Giec.

« Chaque dixième de degré compte »

Y arriverons-nous ? « La marge est faible mais elle existe. Et nos connaissances sur la physique et la chimie nous disent que c’est encore atteignable », répond Roland Séférian. « Oui, si on arrive à continuer de coordonner les actions au niveau international », complète Henri Waisman, de l’Institut du développement durable et des relations internationales. Car « contre le changement climatique, nous avons autant besoin d’initiatives locales que du multilatéralisme ». D’où l’utilité des sommets internationaux, comme les Cop, malgré leur côté ritualisé et leur lenteur. À l’attention de ceux qui font preuve de défaitisme, Henri Waisman oppose un dernier argument : « Pour des questions aussi vitales que l’accès à l’eau, la production agricole, la lutte contre la pauvreté ou encore les migrations climatiques, chaque dixième de degré de réchauffement en moins comptera. »