De retour de la COP 27, notre président d’honneur, Jean Jouzel, nous livre ses réflexions sur la vingt-septième Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Dans la dernière ligne droite, pour maintenir l’objectif de 1,5 °C, il a été nécessaire que les Européens fassent une déclaration disant « Plutôt pas d’accord qu’un mauvais accord ». Qui bloquait et pourquoi ?

La présidence égyptienne de la COP, sous l’influence des pays producteurs de pétrole, avait présenté un projet jugé inacceptable par les européens. En fait, le texte présenté remettait en cause les acquis de l’accord de Paris et l’objectif du Pacte de Glasgow mettant en avant la limitation à long terme du réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport aux conditions pré-industrielles et son corollaire la neutralité carbone à horizon 2050. Pour les Européens c’était impensable. Par la voix de Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, ils disent être prêts à rehausser leurs ambitions climatiques. Aujourd’hui, l’objectif européen est de réduire de 55 % ses émissions pour 2030 par rapport à 1990. Il passerait à 57 %.

Même si malheureusement nous nous éloignons de cette trajectoire du 1,5 °C, nous devons la garder pour horizon ; il y va de la capacité des jeunes d’aujourd’hui à s’adapter aux conditions climatiques qu’ils connaîtront dans la seconde partie de notre siècle. Ne pas le faire serait un aveu d’échec. Cela serait dramatique en termes de solidarité avec les générations qui vont vivre pleinement la seconde partie de ce siècle.

La demande des pays du Sud, d’un fonds « pertes et dommages », a finie par être entendue. Est-ce un pas décisif ?

La solidarité internationale manque cruellement. C’est incroyable cet égoïsme des pays développés. Les émissions historiques qui font le réchauffement d’aujourd’hui sont les leurs. Ce point était loin d’être gagné. Il fallait trouver des solutions pour les aider. Mais, je le rappelle, la meilleure façon est aussi de limiter les émissions. Plus le réchauffement va s’élever, plus les dommages seront conséquents. Ce fonds financier « pertes et dommages » reste à élaborer. Il devrait compenser les préjudices engendrés par les évènements climatiques extrêmes et plus généralement par le réchauffement climatique. L’actualité météorologique de 2022, notamment au Pakistan, a replacé cette question des pertes et dommages sur la table des négociations. Dans cette COP, et notamment sur ce sujet, l’Union européenne a été une contributrice majeure. Il faut amener la Chine et les États pétroliers à prendre leur part, ce qui n’est pas gagné.

Il faut aussi se souvenir de la Conférence sur le climat de Copenhague de 2009. Les pays développés avaient pris l’engagement de mettre en œuvre, à partir de 2020, un fonds de 100 milliards de dollars par an pour faciliter l’atténuation et l’adaptation des pays en développement. Nous en sommes à environ 80 milliards et n’avons pas été capables de tenir cet engagement à une période où collectivement les pays développés ont investi plus de 10 000 milliards de dollars pour faire face, certes à juste titre, aux problèmes posés par la pandémie.

Ces COP apparaissent toujours compliquées et loin des attentes des populations, sont-elles toujours utiles ?

Les COP restent importantes. Sans elles, nous irions clairement vers un réchauffement de plus de 4 °C à 5 °C pour la fin de ce siècle. Avec tout ce travail d’information scientifique devenu crédible et audible au fils du temps, nous allons vers 3 °C. 1 °C de gagné c’est énorme. Comme le martèle Valérie Masson-Delmotte chaque dixième de degré compte. Bien évidemment, on ne va pas assez vite. On va vers un réchauffement deux fois trop important par rapport à ce qu’il faudrait. On doit garder l’objectif de 1,5 degré, mis en avant à Glasgow. Il ne faut pas brader le 1,5, sinon nous allons finir par dire « on va faire ce que nous pouvons ». Il faut continuer à dire à l’ensemble des acteurs de la planète que la neutralité carbone en 2050, elle se fait maintenant. La décennie que nous vivons est décisive. Notre communauté scientifique a envisagé correctement l’évolution du climat, cela doit amener à prendre au sérieux ce qu’elle dit pour la seconde partie de ce siècle.

La seule solution c’est la sobriété. Je pense que l’innovation est nécessaire, mais il nous faut un autre mode de développement. Je crois à la recherche et à l’innovation. Mais elles ne sont utile que si elles contribuent à la neutralité carbone. Le message de Dennis Meadows – que j’ai eu le plaisir de rencontrer il y a quelques semaines – et du Club de Rome demeure d’actualité. Il n’est pas possible d’avoir une croissance infinie dans un monde fini.

Le travail que l’association réalise avec ses partenaires pour le financement de la rénovation globale et performante des bâtiments est essentiel. Pour tous, états, collectivités locales, banques, entreprises, particuliers, c’est un investissement pour l’avenir et non une dépense.

L’autre chantier dont va s’emparer l’association concerne les énergies renouvelables. C’est important, la France prend du retard et ne tient pas ses engagements. Je viens de l’entendre au congrès des Maires de France, des élus.es disent clairement que c’est un levier de développement des territoires.