À Agir pour le climat nous pensons que la sobriété est l’un des outils pour résoudre les crises climatique et énergétique. Nous pensons que le développement massif des énergies renouvelables en est un autre. La loi relative à la “Transition énergétique pour la croissance verte” de 2015 fixait des objectifs ambitieux. Mais ils n’ont pas été tenus. Pour y remédier, un projet de loi relatif à “l’Accélération de la production d’énergies renouvelables” est en cours d’élaboration. Nous pensons que cette accélération passe aussi par la facilitation de l’engagement des territoires et des citoyens. Sur ce sujet, nous avons échangé avec Marc Mossalgue, responsable de la communication à Energie Partagée.

Marc, c’est quoi Energie Partagée ?

Le mouvement est né en 2010 pour répondre au besoin de transition climatique. Il fallait que les citoyens soient partie prenante. Dans la décennie qui précédait il y avait eu des initiatives de citoyens pour investir de l’épargne dans des projets locaux de productions d’énergies renouvelables. Ils s’inspiraient d’exemples allemands ou danois. Il faut se souvenir que la première éolienne citoyenne au monde est entrée en service en 1978 à Tvindkraft au Danemark. En France, les pionniers ont lancé dans l’Ain en 1992 la première centrale solaire couplée au réseau électrique français. Il faut attendre 2003 pour voir des Bretons travailler un projet pionnier d’éolien citoyen. Il sera effectif en 2014 (Bégawatts).

Des organisations comme le Comité de liaison pour les énergies renouvelables (le CLER, devenu depuis le Réseau pour la transition énergétique) fédéraient les porteurs de projet et travaillaient pour lever les lourds freins administratifs. La vision de ces acteurs était d’appliquer les principes de sobriété et d’efficacité par la participation des citoyens. Energie Partagée prend corps en 2008 par la création d’un fonds d’investissement (Solaire investissement Rhône-Alpes) qui collecte 1 million d’euros pour la réalisation de trois installations. En 2010, aidés par le Crédit Coopératif et La Nef, en prenant pour modèle Terre de lien, nous entrons en action. Le premier acte fondateur est la signature de la Charte d’Energie Partagée.

En 2021, Energie Partagée c’était 89 projets locaux installés, 6 900 actionnaires citoyens et 24 millions d’euros investis. Pour en finir avec les chiffres, si la production était de 290 GWh pour cette dernière année, nous comptons passer à 315 GWh en 2022. De 2018 à 2022, le nombre de foyers alimentés par nos productions a presque doublé, passant de 63 300 à 122 400 ! Ces investissements se font dans le solaire photovoltaïque et thermique, l’éolien, la méthanisation, le bois énergie et l’hydraulique.

Mais nous ne sommes pas seuls. En France 25 000 citoyens participent à 280 projets. En Europe, 1 million de citoyens participent à 1 500 coopératives de production d’énergies renouvelables.

Inauguration de la ferme éolienne d’Avessac

Inauguration de la ferme éolienne d’Avessac

Les Pays-Bas affichent, pour 2030, l’objectif de 50 % de la production des énergies renouvelables financée par des acteurs locaux. Quels sont les freins à un développement plus massif en France ?

Avant 2015, la collecte d’épargne par des coopératives citoyennes posait beaucoup de problèmes aux autorités financières. Depuis, cela s’est bien amélioré. La Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) a véritablement facilité l’investissement des citoyens et des collectivités dans les sociétés locales de production d’énergies renouvelables. Pour les citoyens, elle a permis d’ouvrir des dérogations au cadre très strict des offres au public de titres financiers. Avant la loi, les collectivités territoriales pouvaient uniquement investir dans des entreprises publiques locales ou des Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). Maintenant, elles peuvent aussi entrer au capital de sociétés commerciales si ces dernières ont pour objet la production d’énergies renouvelables. Il y a actuellement 616 collectivités actionnaires en direct ou par l’intermédiaire d’une Société d’Economie Mixte (SEM).

Cette légitimité permet une meilleure acceptation et adhésion aux projets. Le législateur a compris que les externalités positives prenaient l’avantage sur celles perçues comme négatives. De plus en plus de collectivités sont à l’initiative. Des opérateurs industriels le comprennent aussi. Des projets se créent avec les trois parties prenantes. D’autres demandent des investissements qui sont d’un autre ordre et ces opérateurs ont tout leur rôle à jouer.

Il faut avoir en tête qu’un projet demande en moyenne 6 à 8 ans, avec des temps de pédagogie, de partage, de bâtons dans les roues. Les critiques sont parfois justifiées. Il faut les entendre et chercher des solutions. À titre d’exemple, les machines de Béganne (Bégawatts) sont bridées à l’heure de l’apéro.

Par ailleurs, dans le projet de loi visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, nous craignons un renforcement des vétos des architectes de Bâtiments de France. C’est pourtant déjà bien compliqué.

Bénévoles, actionnaires et partenaires rassemblés devant la ferme éolienne d’Avessac pour son inauguration

Bénévoles, actionnaires et partenaires rassemblés devant la ferme éolienne d’Avessac pour son inauguration

Et si nous parlons retombées économiques, qu’est-ce que cela donne ?

Pour les collectivités territoriales, les études montrent que le circuit court de l’épargne permet un réel développement économique des territoires. La rentabilité des projets n’est plus celle d’une poignée d’actionnaires privés mais celle du territoire tout entier. Le soleil et le vent sont des biens communs. Les collectivités territoriales ne doivent pas se satisfaire des seuls revenus de la fiscalité et des loyers tirés de l’exploitation des ressources renouvelables de leurs territoires. Elles ont la possibilité d’investir et d’engager les citoyens et l’ensemble des acteurs locaux au capital de ces projets en multipliant par 2, voir par 3, les retombées économiques locales. Par ailleurs, la transparence de ce modèle économique est un gage supplémentaire d’appropriation locale. Si de la valeur est créée sur le territoire à partir de ressources communes, il faut qu’un maximum de cette valeur reste sur le territoire. Aussi quand 1 euro est investi au capital d’une installation d’énergie renouvelable, ce sont 2,5 euros qui sont créés pour le territoire.

Un parc éolien ou une centrale solaire ne doivent pas devenir de simples actifs financiers qui s’échangent de main en main entre acteurs extérieurs au territoire. Seul l’investissement public et citoyen est la garantie sur le long terme que les retombées économiques de ces installations profiteront aux territoires qui les accueillent.

Le premier cercle des investisseurs citoyens est majoritairement composé d’“écolo sensibles”. Ceux-là ne cherchent pas la rentabilité en premier lieu. Ils veulent donner du sens à leur épargne en contribuant à un projet de société auquel ils aspirent. Ensuite, après la sensibilisation et le travail de partage arrivent “des bons pères de famille”. Ils voient une possibilité d’une rentabilité raisonnable. Notre action de 100 € en 2017, est passée à 114,40 € en 2021. En ce mois de novembre, notre Gérance et notre Conseil de surveillance proposent au vote des actionnaires une résolution portant sur l’émission d’une prime de 5,60 € par action. Ce terme n’est pas dans l’ADN des coopératives. Nous tenons aussi aux termes “d’actionnaires” ou de “sociétaires” pour montrer que la finance et son fonctionnement peuvent être éthiques.