Démission de Nicolas Hulot : aveu d’échec ou électrochoc pour le climat ?

Le ministre de la Transition écologique a annoncé sa démission, ce mardi 28 août : il estime que le gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques. « Tout le monde comprend qu’il y a un problème, mais beaucoup ne perçoivent pas l’urgence », déplore le climatologue Jean Jouzel dans un entretien à Ouest-France, après la décision de Nicolas Hulot. Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, la gorge serrée, a annoncé en direct à la radio ce mardi, sa démission du gouvernement, à la surprise générale. Après quelques minutes d’interview, il a reconnu qu’il se sentait « seul à la manœuvre » au gouvernement pour lutter contre « la tragédie climatique ». Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du groupe scientifique du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), « regrette cette décision » même s’il la comprend. Face au réchauffement climatique, « beaucoup ne perçoivent pas l’urgence », explique-t-il dans un entretien à Ouest-France.
La démission de Nicolas Hulot est-elle un aveu d’échec ou un électrochoc nécessaire ? J’aimerais que ce soit un électrochoc et que sa démission fasse changer les choses, mais je n’en suis pas du tout certain. C’est probablement illusoire. On verra dans les prochains jours avec la nomination de son successeur. Je suis d’accord avec Nicolas Hulot quand il parle des petits pas que nous faisons dans la bonne direction mais qu’ils ne suffisent pas… Je regrette sa décision, mais je la comprends. Dans ce domaine, ça fait trente ans qu’on dit qu’il y a urgence. L’Accord de Paris sur le climat, c’est bien, mais ce n’est qu’un pas. Et on n’arrive pas à respecter les objectifs. On ne voit pas assez les actions concrètes pour les atteindre. Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté en 2017. Il faut complètement changer de politique. Pourquoi est-il aussi difficile de mobiliser la société civile sur les enjeux du réchauffement climatique ?

La difficulté, c’est que tout le monde comprend qu’il y a un problème, mais beaucoup ne perçoivent pas l’urgence. Pour éviter aux jeunes d’aujourd’hui des difficultés d’adaptation dans la seconde moitié du XXIe siècle quand il y aura 3 ou 4 °C de plus, c’est pourtant maintenant qu’il faut agir.

Ce qui intéresse les politiques, c’est une vision au jour le jour. On voit bien la réaction de Nicolas Sarkozy qui dit que les questions d’immigration ou des impôts sont « plus importantes ». On privilégie toujours le court terme. On a du mal à mettre ces mesures de lutte contre le réchauffement climatique comme prioritaires et en haut de la pile. Les gens sont conscients du problème mais ils ont tendance à penser qu’on pourra s’arranger quand les conséquences arriveront. C’est faux. Quand l’élévation du niveau de la mer sera effective, ce sera trop tard. Et à ce moment-là, beaucoup diront sans doute : « Il aurait fallu nous le dire ! » On est, chacun d’entre nous, responsable si l’on ne refrène pas les vols en avion, le tourisme loin de chez soi, etc. Chacun a l’idée d’un monde sans limites. C’est comme ça, mais pour être efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique, on doit tous être responsables. Et il faut un gouvernement fort pour faire de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité. Quel est le rôle des lobbies dans le fait que cette question écologique ne soit pas au centre des actions ? Dans tous les domaines, il y a des tensions entre deux mondes : par exemple, l’opposition entre les chasseurs et les défenseurs du respect de la vie animale ; entre le monde agricole et celui de l’écologie. Les relations entre les deux ministres, Nicolas Hulot, ministre de la Transition
écologique et solidaire, et Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture. Mais est-ce qu’on peut parler de lobbies ? La FNSEA, par exemple, est une force considérable, mais elle fait son travail. Dans tout, il y a des pressions, chacun défend ses causes, certains de façon claire, d’autres de façon plus souterraine. Il y a aussi un lobby de l’écologie. Derrière tout ça, c’est la question des priorités. Le climat, la biodiversité et l’environnement en général sont des questions qui vont impacter la vie des jeunes d’aujourd’hui dans le futur. Il y a eu des discours importants, mais dans la réalité politique, du point de vue de Nicolas Hulot, Emmanuel Macron n’a pas apporté le soutien nécessaire à une politique environnementale ambitieuse. […] Il y a besoin de mesures fortes car, naturellement, les choses ne se feront pas d’elles-mêmes. C’est un problème politique au sens noble du terme. Comment provoquer une réaction du grand public face à ces enjeux ?

La communauté scientifique essaye de transmettre un message depuis longtemps, mais le réchauffement climatique devient une priorité pour certains seulement lorsqu’il y a une canicule. Le reste du temps, les mêmes voyagent en avion régulièrement. Il ne s’agit pas de juger des comportements, mais de constater un écart une fois qu’on arrive en octobre et que la canicule de l’été est loin derrière nous. Pourtant, l’urgence de l’action c’est maintenant, en isolant les bâtiments, en changeant les habitudes de mobilités [déplacements], dans l’urbanisme… C’est la responsabilité de tous, au gouvernement, dans les collectivités locales – il y en a qui font des choses intéressantes –, dans l’éducation, dans le milieu associatif qui est très utile et pour chacun d’entre nous. Comment on se comporte chez soi, on se chauffe, on s’alimente, on se déplace… Ce sont des décisions de tous les jours. On ne peut pas dire, ce sont les autres. Et ce n’est pas facile, car même quand nous sommes convaincus de la nécessité de changer les choses, nous ne sommes pas toujours sans reproche.