À l’initiative du groupe Écologiste ‑ Solidarité et Territoires, le Sénat a créé une commission d’enquête afin de comprendre pourquoi la France ne parvient pas à atteindre ses objectifs en matière de rénovation énergétique des bâtiments et de proposer des solutions pour y remédier. Notre responsable de plaidoyer, Lucas Chabalier a été auditionné par cette commission. Son rapporteur, le sénateur Guillaume Gontard, nous présente les premiers constats des auditions.

Depuis 2007 et le Grenelle de l’environnement, la France est censée conduire plusieurs centaines de milliers de rénovations globales dans son parc résidentiel chaque année. Une cinquantaine de milliers de logements seulement ont été portés en classes A ou B l’année dernière. Comment expliquer un tel échec ?

Notre commission d’enquête part de ce même constat. L’ambition politique en termes de rénovation énergétique est grande depuis plus de quinze ans, partagée par les Gouvernements successifs malgré les alternances. Pourtant, en dépit des moyens financiers importants – dont on peut débattre de la suffisance – les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs.

Les travaux de notre commission sont encore en cours, mais l’on distingue déjà quelques causes :

  • Le manque de lisibilité et de continuité des dispositifs d’aides publiques mis en œuvre. Même si les ministres successifs ont justifié devant notre commission leurs choix, techniques et politiques, et les évolutions des dispositifs d’accompagnement, on ne peut s’empêcher de penser que chacun a voulu « mettre sa patte » et s’empêcher de constater qu’aucun n’a vraiment fonctionné.
  • Les effets d’aubaine permis par les aides publiques, qui comme trop souvent, ont pour principal effet d’augmenter les tarifs des acteurs privés, quand ce ne sont pas carrément des fraudes. L’État se contente de sortir le chéquier et ne contrôle que très peu ni les entreprises, même celles certifiées, ni la qualité des travaux réalisés.
  • L’absence de diagnostic réel pour chaque logement rénové, ce qui entraîne des travaux insuffisants, inadaptés voire contre-productifs. On voit que l’essentiel des travaux engagés concerne un seul geste, principalement l’installation d’une pompe à chaleur – ce qui n’a aucun impact sur la qualité de l’isolation – ou le changement de fenêtres, qui ne sert à rien si les combles ne sont pas isolés.
  • La difficulté à déployer l’ingénierie publique dans les territoires tant pour accompagner les particuliers dans leur démarche que pour faciliter le développement d’une véritable filière économique, capable de faire face de manière qualitative à une demande croissante.

Sans réduction drastique de nos consommations d’énergie dans les logements, nous ne bouclerons pas – ou dans des conditions très dégradées – la neutralité carbone en 2050. Nous sommes déjà confrontés à des tensions sur le réseau électrique. Quelles mesures s’imposent pour se conformer enfin à nos objectifs en matière de rénovation performante ? 

Je ne veux pas empiéter sur les conclusions de la commission d’enquêtes dont les propositions sont encore en construction et en négociation entre les forces politiques du Sénat, je me limiterai donc à quelques grands axes.

Il faut de la stabilité et de la visibilité financière à moyen-long terme. Cela peut se traduire par une loi de programmation budgétaire comme la Loi de programmation militaire actuellement à l’examen du Parlement.

Il faut qu’une partie beaucoup plus importante de ces moyens se concentre sur l’accompagnement des particuliers, l’appui aux collectivités locales et l’encadrement des acteurs privés.

Il faut impérativement mettre l’accent sur les rénovations globales et ne pas encourager n’importe quel geste dans n’importe quel ordre. Il faut systématiser les diagnostics et si la rénovation ne peut pas être réalisée en un seul tenant, il faut débuter par les mesures d’isolation les plus efficaces.

Il faut encourager le développement de filières économiques locales et notamment pour le développement de matériaux biosourcées, qu’il faut impérativement privilégier aux matériaux minéraux ou issus de la pétrochimie.

Il faut tendre vers le reste à charge 0 pour les plus modestes via des tiers financements ou d’autres solutions.

Peut-être également faut-il s’orienter vers une obligation légale.

À l’Assemblée nationale, une mission d’information sur la rénovation énergétique est également en cours. Elle doit rendre ses conclusions à peu près au même moment que les vôtres. Comment députés et sénateurs vont-ils travailler dans les prochains mois pour mettre nos politiques publiques sur les bons rails ?

Nous avons prévu de nous voir au mois de mai avec les président.es rapporteur.es de l’Assemblée et du Sénat pour faire le point sur l’avancée de nos travaux et sur la suite des opérations.

Des premiers contacts que nous avons eus, on sent une ambition transpartisane affirmée de mettre un véritable coup d’accélérateur sur la rénovation énergétique. Reste à en définir les modalités et à trouver une majorité politique, qui en matière budgétaire, devra nécessairement convaincre le Gouvernement, les parlementaires ne pouvant pas accroître les dépenses publiques…