Vice-présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale et présidente de l’Alliance HQE-GBC, Marjolaine Meynier-Millefert est une voix importante de la rénovation énergétique. Elle revient pour nous sur les travaux du groupe « transition énergétique » du Conseil national de la refondation Logement, qu’elle a coanimés et auxquels Agir pour le climat a participé, et évoque les prochains rendez-vous : mission d’information à l’Assemblée, 3e PPE, projet de loi énergie-climat, loi France industrie verte, PLF 2024…

Le groupe de travail « Transition écologique » du CNR Logement, que vous avez animé avec Christine Leconte, présidente de l’ordre des architectes, a remis son rapport de présentation au ministre Olivier Klein le 13 mars. Qu’est-il ressorti de ces travaux ? Quelle suite peut-on espérer ?

Nous avons mené plus de 24 heures de réunions, d’auditions avec plus d’une cinquantaine d’acteurs, sans compter les heures d’échanges bilatéraux informels et les visites de terrain… Nous avons, certes, constaté des divergences sur les leviers d’actions, mais tous partagent un objectif commun : amplifier et accélérer la rénovation globale et performante. Depuis le début, ce CNR conjugue deux temporalités. Celle du temps court devait faire émerger les solutions consensuelles matures qui pourraient être mises en œuvre rapidement et efficacement, et l’autre, du temps long, devait identifier les termes de la refondation de nos politiques publiques.

Nous avons travaillé sur 4 axes (Adaptation des territoires au changement climatique et démographique ; Construire et rénover durable ; Disposer d’une offre de service complète, fiable et abordable dans tous les territoires ; Financer la transition en passant des dépenses aux investissements) et avec une consigne : faire du logement l’avant-garde de la transition écologique.

Ce serait un peu long de rentrer dans le détail des 12 propositions, mais pour en citer quelques-unes : nous souhaiterions un grand plan d’aménagement du territoire national basé sur une data performante et partagée avec les élus locaux, accompagné d’ingénierie à la main de l’échelle locale pour la mise en œuvre de l’adaptation de tous les territoires dans la perspective de 2050. Nous proposons des outils pour créer enfin un vrai marché de la rénovation globale, en une fois ou par étapes ainsi qu’un grand plan de formation de la filière à la transition écologique. Ces enjeux viennent complètement modifier les pratiques et l’on investit encore trop timidement dans les compétences des hommes et des femmes qui doivent mettre en œuvre cette transition. Nous voulons aussi transformer les dépenses en investissements, en travaillant sur la garantie de performance, sur la prévention des risques ou même en proposant la création d’un guichet unique administratif et financier pour la rénovation qui simplifierait encore le parcours de l’usager.

Certains outils sont opérationnels tout de suite, nous espérons qu’ils seront mis en œuvre, d’autres demandent des transformations plus profondes de nos politiques et nous espérons qu’elles retiendront l’attention du Président de la République et pourront être entendues.

Pourquoi avez-vous souhaité, deux ans après la précédente, lancer une nouvelle mission d’information sur la rénovation énergétique à l’Assemblée nationale, en plus de la commission d’enquête menée actuellement au Sénat sur le sujet ?

En l’espace de deux ans, il s’est passé beaucoup de choses dans l’écosystème de la rénovation énergétique et l’on peut déjà réactualiser les bilans. Notre politique énergétique a été bousculée aussi par le conflit russo-ukrainien qui nous a conduits à adopter un plan de sobriété massif, et certains s’interrogent sur l’impact de l’électrification systématique sur notre modèle… Les parlementaires ont aussi un rôle de contrôle des politiques mises en place. Cette mission permettra ainsi d’avoir les premiers retours de terrain sur l’application de la loi dite « Climat et Résilience » qui interdit notamment, depuis le 1er janvier 2023, la location des logements consommant plus de 450 kWh d’énergie finale par mètre carré et par an. La rénovation énergétique a des choses à dire dans la loi de programmation énergie climat, dans la loi France industrie verte ou encore dans la réforme de la formation professionnelle ! Je souhaite que nos travaux puissent contribuer à la préparation de la PPE3 (2024-2033) ou « Stratégie française énergie climat » qui devra donner des objectifs clairs en matière de réduction de notre consommation énergétique ; de développement des énergies renouvelables pour l’électricité, la chaleur, le carburant et le gaz ; de diversification du mix de production d’électricité et, évidemment, de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment. Dans les échanges actuels autour de la planification environnementale, ce sera un rendez-vous important. Nous sommes donc dans un nouveau contexte qui invite à compléter les conclusions de notre précédente mission d’information.

L’automne dernier, droite et gauche s’étaient retrouvées pour augmenter les crédits de l’État à la rénovation énergétique des logements privés, mais s’étaient heurtées à un refus du gouvernement. Comment procéder cette année pour que la demande d’augmentation du budget pour la rénovation performante, transpartisane, aboutisse dans le PLF 2024 ?

C’est vrai. Il y a un consensus pour dire qu’il faut accélérer sur la rénovation. En partie, cela veut dire augmenter les budgets. Mais pas n’importe où et pas n’importe comment. On sait avec les modèles CEE ce que génère l’apport de beaucoup d’argent à un écosystème qui ne peut pas « absorber » un tel budget. Cela crée de la fraude, des malfaçons, des scandales. C’est une question qui a irrigué les travaux du CNR, notamment lorsque nous avons abordé les problématiques liées à la formation. La formation, c’est la clef pour engager l’ensemble des acteurs et déverrouiller la rénovation globale et performante. Il faut augmenter progressivement sur ces 3 piliers : les objectifs, la formation et les budgets. Dans ces conditions, si on a de la visibilité, ça marche. C’est de la planification. Sur ce thème aussi, la mission d’information pourrait travailler.